Le succès des montres connectées pourrait profiter à l'horlogerie suisse, estime Jean-Claude Biver

Stéphane Moussie |

Jean-Claude Biver en est sûr, les montres connectées sont un tremplin vers les modèles traditionnels plus prestigieux. « Si Apple a véritablement vendu 20 millions d’Apple Watch et détient environ 50 % du marché, alors le potentiel est énorme [pour l’horlogerie suisse] », a déclaré la patron de TAG Heuer au SonntagsBlick.

Jean-Claude Biver pensif lors du Baselworld 2016.

« Un marché de luxe se crée dès que les gens veulent se différencier des masses. C’est ce qui se passe aussi dans ce cas. Avec notre savoir-faire, la qualité et le prestige suisses, nous disposons des meilleures conditions pour maîtriser aussi ce segment », a assuré la figure de l’industrie helvète. De ce qu'on en comprend, il ne parle pas de l'industrie dans son ensemble, mais des acteurs qui prendront la voie de la high-tech.

Jean-Claude Biver avait prévenu que 2016 allait être une année difficile pour l’horlogerie suisse, et elle l’a été. Les ventes n’ont cessé de baisser au cours des douze derniers mois. Mais le truculent responsable des montres du groupe LVMH estime que le secteur suisse n’est pas confronté à une crise aussi profonde que celle des années 1970, quand les modèles à quartz ont envahi le marché.

Exportations horlogères suisses. Graphique de la fédération de l'industrie horlogère suisse.

Lui-même engagé dans les montres connectées avec la TAG Heuer Connected, fruit d’une collaboration avec Google et Intel, Jean-Claude Biver avait reconnu avoir « complètement sous-estimé le potentiel » de ce type de produits. TAG Heuer a ouvert un laboratoire dans la Silicon Valley qui emploiera une dizaine d’ingénieurs cette année.


avatar MacGruber | 

Mieux vaut tard que jamais dirons-nous !

avatar fte | 

C'est une problématique complexe.

Un produit nouveau et disruptif arrive et l'industrie en place ne le comprend pas, le sous-estime, et n'a pas le savoir-faire pour répondre.

Exemples : l'iPhone qui a atomisé BlackBerry, l'imprimerie de Gutenberg qui a décoiffé les moines copistes, Netflix qui fiche les chocottes à la TSR, l'Apple Watch qui secoue l'industrie nationale (je travaillais en collaboration avec des horlogers à la sortie de l'Apple Watch, l'ambiance dans les ateliers n'était pas aux cotillons et confettis), les voitures autonomes que tous les grands constructeurs aimeraient ne pas manquer mais n'ont pas les compétences et l'infrastructure pour réaliser le logiciel de pilotage, ce qui ne s'improvise pas en quelques mois...

Ce n'est pas évident de donner une réponse pertinente lorsque l'industrie dans laquelle on nage depuis des décennies se retrouve brutalement secouée et remise en question par un nouveau machin que personne de l'industrie n'a anticipé...

avatar occam | 

@fte

« l'imprimerie de Gutenberg qui a décoiffé les moines copistes »

L’impact de la presse de Gutenberg fut moins linéaire et unilatéral qu’on ne le croit.

Dès le 14e siècle, les moines copistes en Europe centrale et occidentale ne pouvaient plus faire face à la demande de reproduction des livres et documents, sacrés ou profanes.
Autorités, institutions et public devaient faire appel à des scribes laïques, devenus rapidement de plus en plus nombreux.
Aussi l’apport des livres imprimés fut d’abord salué comme une solution à la disparité grandissante entre offre et demande.
Ce furent d’abord et surtout ces scribes laïques, profiteurs d’une conjoncture, qui furent les premiers perdants de l’innovation technologique.
http://scholarship.law.tamu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1431&context=facscholar

Pour les moines, l’impact fut très mitigé.
Exemple notoire, Johannes Trithemius, abbé bénédictin, un des pionniers de la cryptologie et de la stéganographie.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Johannes_Trithemius
Trithemius était fort critique envers l’imprimerie (il composa même un ouvrage pour démontrer la supériorité du copiste sur la presse), parce qu’il considérait l’effet contemplatif du travail du copiste comme indispensable à la discipline monastique. En même temps, il fut l’un des premiers à se prévaloir de l’imprimerie pour faire connaître son œuvre personnelle. Et en tant qu’abbé, il profita de l’essor de l’imprimerie pour augmenter de façon spectaculaire la bibliothèque de son monastère de Sponheim. Elle comptait 48 volumes à son entrée en fonction, plus de 2000 quand il la quitta.

Paradoxalement, la typographie permit au monastère d’acquérir de nombreux manuscrits, devenus disponibles dès le moment où ils n’étaient plus exclusifs et uniques.

avatar fte | 

@occam

J'ai dit décoiffé, pas mis au chômage. :p

Tout d'abord le succès ne fut pas immédiat. Gutenberg est mort pauvre, pour autant qu'on le sache. Je ne me souviens pas le nom de son prêteur, mais lui non plus n'a pas fait fortune grâce à cette invention.

L'idée a été répliquée et une nouvelle industrie s'est développé. Les moines copistes n'ont rien perdu, il restait bien assez de livres sacrés ou de production luxueuse pour continuer leurs activités. Pendant un temps du moins. Il ne reste que peu de copistes de nos jours. Les révolutions industrielles au Moyen Âge ne se faisaient pas en quelques années.

avatar occam | 
avatar DG33 | 

@fte
"l'imprimerie de Gutenberg qui a décoiffé les moines copistes"

Je vois bien l'image ?

avatar occam | 

Ce que fait M. Biver s'appelle siffler dans la forêt pour avoir moins peur.
Réaction compréhensible au niveau psychologique et neurophysiologique.

Mais pour l'impact industriel nécessaire, il faudrait un Big Bang mental dans l'industrie horlogère. Je doute que le rapport de forces actuel le permette, notamment dans le cadre du groupe Swatch, et je doute encore plus de la capacité de M. Biver à conduire le changement qu'il estime inéluctable.

« Lipstick on a pig », selon l'expression américaine. Tant que l'industrie suisse jouera la carte du rhabillage de luxe, elle ne pourra être que perdante.

avatar 0MiguelAnge0 | 

@occam

Tu n'es juste pas le client cible. Quelqu'un pouvant mettre des dizaines voire plus de k€ dans une montre n'ira pas tapé dans un truc dont le seul différentiant est le bracelet. Et vu le succés de l'Awatch Edition Or, le luxe, ce n'est pas qu'un montant, mais une histoire, une culture.

L'année 2016 a été difficile pour les Suisses mais Apple n'y est pour rien. Le gros serrage de vis du gouvernement Chinois vis à vis de la corruption a banni ces 'achats' déguisés.

Il n'y a qu'à voir les marques qui s'en tirent le mieux sont celles qui n'ont pas focalisé leurs stratégies dans ce pays.

avatar occam | 

@0MiguelAnge0

Erreur de catégorie.
Relisez mon commentaire : rien sur la perspective du client, cible ou pas. Juste celle de l'industrie.

Quant à l'affirmation « le luxe, ce n'est pas qu'un montant, mais une histoire, une culture », elle serait exacte si elle se référait à la bijouterie et orfèvrerie française. En référence à l'horlogerie suisse, elle est historiquement fausse. L'horlogerie suisse de la grande époque a été pionnière dans la production de la grande qualité à l'échelle industrielle. Cette qualité avait certes son prix, mais ce n'était pas du luxe, au sens de « conspicuous consumption » (Veblen).
La culture horlogère de la Suisse est bien différente, beaucoup plus intéressante, et si j'ose employer un terme moral, beaucoup plus digne.

Le tournant du luxe à outrance est récent, après la crise des années '70-'80.
Il a permis à certaines marques jadis industrielles de survivre d'abord, de prospérer ensuite, en tant que manufactures de luxe.
Certaines marques n'ont été ranimées que pour le bling-bling. Cela ne peut pas se perpétuer à l'infini.
Les marques traditionelles sont certainement celles qui auront le moins à pâtir de l'ordinateur au poignet. Mais elles souffrent de la conjoncture internationale et du taux d'échange délétère.

avatar alfatech | 

@0MiguelAnge0

le monde a changé, j'ai toujours porté des montres de marque (perso la marque était importante mais le design encore plus) mais depuis mon AW inox je n'en porte plus aucune autre et je ne pense pas y revenir. Hormis l'élite et les "vieux" les gens vivent dans le tout connecté et ne portent plus la montre léguée de grand père. C'est comme les meubles, avant on achetait la salle à manger une fortune que l'on gardait à vie, maintenant c'est du ikea design que l'on change sans regret 7 ou 8 ans après quand la mode est passée......l'horlogerie classique se meurt depuis pas mal d'années (de moins en moins de monde portait des montres d'ailleurs jusqu'à la sortie des montres connectées) et ce n'est pas prêt de changer.

avatar enzo0511 | 

Il y a un an ce guignol se moquait d'Apple et dénigrait les montres connectées

Il commence bien l'année

avatar p@t72 | 

À la vu de ton commentaire,on se demande qui est vraiment le guignol !

avatar Lubi974 | 

L'argument de différenciation ne marche pas pour moi. J'avais une montre normale qui a été remplacée par une monstre de sport qui a été remplacée par une Apple Watch.

Je ne vois pas pourquoi j'irai acheter une montre de luxe pour me donner simplement l'heure même si il est belle. Je n'en aurai pas l'utilité.

J'irai plutôt investir dans une Apple Watch Edition, Hermès ou personnalisée par des créateurs.

avatar Nesus | 

C'est une guerre perdue d'avance. Même s'ils arrivaient à faire un produit valable, il manquerait toujours l'écosystème qui va avec. Les gens riches sont comme tout le monde. Ils veulent pouvoir oublier la télécommande qui déroule les volets et le faire depuis cette montre qu'ils portent toute la journée. C'est pour cela que les téléphones Porsche et autres n'ont jamais décollés alors que les iPhones custum font les beaux jours de joailliers ayant un nom.

avatar waldezign | 

L'AW m'a totalement coupé mon envie d'avoir une Bell&Ross un jour. Suis-je un cas isolé? Pas si sûr...

avatar occam | 

Comme c'est curieux : j'aurais imaginé que les qualités tactiles et mécaniques d'une Bell&Ross étaient parmi celles que n'importe quelle montre numérique aurait le plus de peine à obnubiler.

avatar Thegoldfinger | 

@waldezign

Je te rassure je suis dans le même cas j'ai mis au placard mes 11 montres skeleton, Rien ne me fera changer de mon Applewatch Acier désormais.

Trop pratique, c'est comme avoir un très joli téléphone et goûter après au Smartphone, on ne peut revenir en arrière.

avatar Terragon | 

@waldezign

Non. Même chose pour moi. Je prévoyais un jour acquérir une montre de luxe et je préfère maintenant opter pour l'Apple Watch Édition ou Hermès. Cela reste pour moi beaucoup plus polyvalent dans mon quotidien, même si je sais que la technologie est changeante et que l'Apple Watch n'est pas éternel. Selon moi la durée de vie moyenne d'une Apple Watch sera de 5 à 7 ans. Ce qui manque pour plus de variété, ce serait des boîtiers et cadrans circulaires qui seraient compatibles avec les bracelets actuels.

avatar LudwigVonMises | 

C'est un peu stupide. Les deux n'ont absolument rien avoir.
Moi mon Apple Watch a mis ma G-Schock à la retraite mais certainement pas mas Seamaster.

avatar LudwigVonMises | 

Le souci c'est que la Seamaster n'est pas un outil. Et que l'AW n'est pas un bijoux.

avatar iDanny | 
avatar alfatech | 

@LudwigVonMises

une Edition est autant un bijou qu'une montre de luxe, elle est en or ne l'oublions pas......Mais à une époque du tout connecté comme aujourd'hui (les gens sont scotchés à leur écran de smartphone qui affiche l'heure en permanence) un beau bracelet ou gourmette au poignet suffira si on veut un bijou pour épater la galerie. Après il y a les passionnés de montre mais ils se raréfient d'années en années avec la mort des anciens, la jeunesse elle regarde  Boss, Lacoste ou Guess par exemple.......et avec 0 pub de la part des horlogers c'est pas prêt de changer.

avatar battboss | 

@alfatech

Bas si justement les horlogers commence justement à changer leurs com. En cette période de fêtes Seiko et Tudor on déjà fais bcp de pub dans les médias. Et puis comparer une Watch édition en or avec une montre style Vacheron Constantin, Audemar, IWC, Omega Rolex, ou tout modèle manufacturé en or il y a un monde de savoir faire ce ne sont pas que des réussites esthétique (chacun ses goûts ça va de soit) mais une réussite technique et intellectuel exemple construire une montre à quantième perpétuelle manuellement n'est pas donné à tout le monde.
Et je ne pense pas que le nombre de passionné diminue ou est vieillissant, juste des prix qui se sont envolé, et que pour le prix des montres d'y il a 10 ans on nous propose la plus part du temps du simple emboîtage (rhabillage) donc les passionnés n achètent pas et les acheteurs de vecteur sociaux ce tourne sur la tendance du moment.
Et puis ce n'est pas le secteur de l'horlogerie seul qui est touché mais le milieu du luxe dans sa globalité

avatar SMDL | 

@alfatech

"une Edition est autant un bijou qu'une montre de luxe, elle est en or ne l'oublions pas......"

Une édition est à la fois un bijou et un outil. Mais un outil dont la mort à moyenne échéance est inévitable. Demeurera le bijou, mais il aura en son ventre un outil mort, dont le cadran noir sera la dernière image figée à jamais.

Qui voudrait porter un tel couple une fois son histoire achevée ?

avatar colossus928 | 

@waldezign

J'aimerais une B&R un jour mais j'avoue que j'aimerais une AW également (et sûrement avant). Ce qui pourrait retarder voire annuler mon envie d'avoir une belle (et chère) montre.

avatar LudwigVonMises | 

« Un marché de luxe se crée dès que les gens veulent se différencier des masses. C’est ce qui se passe aussi dans ce cas. Avec notre savoir-faire, la qualité et le prestige suisses, nous disposons des meilleures conditions pour maîtriser aussi ce segment »

Exact : Economics 101. D'ou la revalorisation des livres a belles reliures ou du vinyle par exemple. Mais cela marche également sur le marché du travail.

avatar battboss | 

AW et une montre sont deux choses différentes. Le marché de l horlogerie se casse la gueule car il se repose sur ses acquis sans recherche de bonne communication. Oui sur les premiers prix des montres d emboîtage, l'AW joue les trouble-fête. Mais pas sur les segments plus luxueux (avec intérêt horloger). Il y a pleins de facteurs sur cette crise horlogère manque de communication, loi anticorruption en Chine, augmentation des prix, emboîtage (ETA) au prix de manufacturé, crise économique générale, peu d'innovation, diminution de l'artisanat...
Si une personne préfère une AW à une montres c'est que elle n est pas passionné par l'horlogerie.
Je pense que les marques horlogères ne cherchent plus à passionner car elles ce reposent sur leurs histoires qui parle de moins en moins au plus jeunes.
Mais arrêtons de comparer AW au montre en tant que tels car oui une montre fera toujours moins qu'une smartwatch et fera aussi moins bien que même une montre à quartz (je parle de précision)

avatar Aladdin | 

Belle et stupide Moche mais intelligente mon choix est rapidement fait J'attendrais une montre belle et intelligente

avatar IceWizard | 

@occam
"Ce que fait M. Biver s'appelle siffler dans la forêt pour avoir moins peur."

Très mauvaise idée. Le bruit attire les prédateurs !

avatar IceWizard | 

Et si nous parlions un peu de la Chine, pour une fois ? L'une des raisons de la crise des montres suisses est la campagne anti-corruption du gouvernement chinois. Les montres de luxe et les alcools fin étant les cadeaux traditionnels pour "accompagner" une négociation avec un fonctionnaire chinois, leurs ventes a subi une chute considérable au fur et à mesure du progrès de l'opération contre la corruption.

avatar battboss | 

@IceWizard

Ca impacts le marché oui mais après (ce n'est que mon avis) je pense pas que c'est la seule raison. La baisse de commande ne ce fait pas qu'en Chine mais sur tous les marchés, le manque de com et la pratique des tarifs (de la montre comme du SAV) est surtout la cause. Le nombre de montres sur le marché gris en Europe et qui ne partent pas même à ses prix démontre bien une certaine vue d'ensemble. La demande est toujours là mais l'offre n'est pas adapté.

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