Les ventes de montres suisses s'enfoncent dans le rouge

Florian Innocente |

Les exportations de montres suisses continuent de piquer du nez et plusieurs segments de prix souffrent d’un désintérêt de la clientèle. La Fédération de l’industrie horlogère suisse a publié son relevé mensuel pour avril 2016 et il n’est pas bon du tout.

Comparé à avril 2015, la valeur des exportations de montres est en baisse de 11,1% (1,6 milliard de francs/1,4 milliard d’euros). Cela représente pour le mois dernier un total de 2 millions de pièces expédiées, c’est 8 % de moins qu’il y a un an.

Ces statistiques résultent de la consolidation des exportations réalisées par toutes les entreprises horlogères du pays. Précision importante, il s’agit des envois vers les canaux de distribution, cela ne présage en rien des ventes vraiment réalisées aux clients finaux. Certains lots restent en arrière-boutique.

Illustration concrète de cette déconnexion entre une offre mal calibrée (peut-être aussi inadéquate) et une demande insuffisante, le groupe de luxe Richemont, le deuxième au monde, a décidé il y a quelques jours de puiser dans ses réserves pour racheter des lots d’invendus de ses montres. Il s’agit d’apurer les stocks chez ses détaillants à travers le monde. Richemont appartient à l’aristocratie de ce milieu, il possède notamment Cartier, Jaeger Lecoultre, Van Cleef & Arpels, Piaget, Officine Panerai ou encore Baume & Mercier parmi ses multiples marques.

Sur les 6 marchés qui pèsent pour 50% des destinations d’exportation pour la Suisse, le leader Hong-Kong entame son quinzième mois consécutif dans le rouge (–17 % en valeur ce mois-ci comparé à avril 2015). Derrière lui, les États-Unis affichent une petite amélioration (+1,2 %) mais le Japon est négatif (–5,8 %), l’Italie aussi (–12,3 %), de même que l’Allemagne (–11 %) et la Chine qui ferme le ban avec une baisse brutale (–36 %).

Principaux pays d'exportation pour les montres suisses - avril 2016

Si l’on élargit l’observation à la période couvrant janvier à avril 2016 [pdf], la valeur des exportations vers 30 pays a baissé de 9,5 % (toujours comparé au début 2015). Quelques endroits montrent des résultats en hausse comme l’Autriche, l’Australie, le Canada, le Koweït, l’Afrique du Sud, le Royaume-Uni ou encore les Emirats arabes unis, mais tous ne pèsent pas lourd dans le total. Pour ce qui est de la France, les importations depuis la Suisse sur cette période ont baissé de 11,6%.

Exportations totales en janvier/avril 2014, 2015 et 2016, exprimées en francs suisses — Cliquer pour agrandir

L'entrée et le haut de gamme souffrent

Deux segments ont plus particulièrement souffert le mois dernier. D'abord l'entrée de gamme avec des modèles de montres allant jusqu’à 200 francs/180 euros qui ont baissé de 10 % en volumes exportés. Et ceux à l'autre bout du spectre, les montres à partir de 3000 francs/2 700 euros, qui ont chuté de 14 % (ce sont les prix d’export, pas ceux affichés en boutiques).

Avril 2016 — Cliquer pour agrandir

Le milieu de gamme est à -6,5%. Et si le milieu/haut de gamme (entre 450 et 2 700 euros) a connu une petite embellie elle n’est pas de nature à influer sur la tendance générale observée depuis quelques mois, tempère la Fédération.

La Suisse va être dans la “merde”, d’après un journaliste du New York Times c’est le pronostique qu’aurait fait Jonathan Ive en septembre 2014, alors que l’Apple Watch allait être dévoilée.

S’il serait abusif d’imputer cette situation uniquement à l'entrée sur le marché de l'Apple Watch, force est de constater que la situation n’est pas riante du tout pour cette industrie dont certains dirigeants ont pris de haut les ambitions d’Apple. Les montres connectées et leurs semblables ont ouvert un front inédit et rares sont ceux, à l’instar de TAG Heuer, qui ont tenté de trouver une parade à cette menace.

La Suisse n’est pas le seul pays exportateur de montres — elle est suivie par Hong-Kong, la Chine, la France et l’Allemagne — mais c’est de loin le principal pays lorsqu’on raisonne en termes de valeur. La Chine, à l’inverse, domine dans les volumes.

Les grands pays exportateurs en 2015 — Cliquer pour agrandir
Resultats 2015 — Cliquer pour agrandir

Ainsi, en 2015, la Suisse a exporté 28,1 millions de montres d’un prix moyen de 748 dollars tandis que la Chine en exportait 682 millions au prix moyen de 4 dollars pièce seulement. Dans son compte rendu annuel 2015 [PDF], la Fédération de l’horlogerie notait la « première baisse depuis 2009 » et un résultat qui revenait au niveau de celui observé en 2012. Le premier semestre de l’année 2016 semble bien parti pour suivre la même route.

Accédez aux commentaires de l'article