WristMac, la première montre pour Mac qui est allée dans l’espace

Mickaël Bazoge |

Le premier e-mail envoyé depuis l’espace provenait d’un Mac. Un Macintosh Portable venait d’être installé dans la navette Atlantis, et après s’être arraché du plancher des vaches en ce mois d’août 1991, le vaillant ordinateur allait remplir des tâches de la Nasa.

Les missions de ce Mac portable, sorti en 1989, étaient au nombre de quatre : test de plusieurs contrôleurs en gravité zéro (dont le trackball intégré), enregistrement des données de santé des astronautes, suivi des déplacements de la navette, et envoi d’un courriel... et aussi d’une disquette, les occasions de s’amuser ne manquant pas dans l’espace :

Cette histoire incroyable a été largement documentée par nos soins (lire : Le Macintosh Portable a envoyé le premier mail spatial), mais aussi par Apple qui y consacre une note technique très intéressante, écrite dans un style bien plus léger qu’habituellement. Entre deux anecdotes, on y lit aussi que le Mac portable faisait office d’alarme prévenant l’équipage de la navette qu’il était temps de réaliser telle ou telle expérience.

Mais lorsque les astronautes n’étaient pas devant l’ordinateur, comment étaient-ils prévenus ? Simple : ils portaient au poignet un WristMac, sorte d’ancêtre de l’Apple Watch. Il ne s’agissait pas vraiment d’une montre connectée (c’était encore un rêve de science-fiction à l’époque), mais plutôt d’un agenda électronique portatif.

Lorsque le moment était venu de prendre une photo particulière de la Terre ou de l’espace, le WristMac se mettait à sonner et affichait deux lignes sur son petit écran, détaillait le New York Times en 1991. En cas de changement dans l’agenda, la Nasa transférait les modifications depuis Houston et un modem fax vers le Mac portable. Il fallait ensuite synchroniser les données en filaire.

Ce produit, qui n’était pas réservé à la Nasa, tenait du fantasme de geek. Le WristMac a débuté sa carrière en 1988… Quatre ans seulement après la naissance du premier Mac, le besoin d’une montre compatible se faisait déjà sentir ! L’appareil a été créé par David S. Rose, créateur d’AirMedia en 1996 (ce service se présentait comme un prédécesseur d’internet) ; Dennis Brothers, auteur du protocole BinHex ; Neil Shapiro, fondateur du magazine MacUser ; et Richard Reich, créateur d’accessoires pour Mac.

L’affaire restait entre initiés, une des premières unités ayant été acquise par Bill Atkinson, une des pierres angulaires du Macintosh. Fred Smith, fondateur de FedEx, faisait aussi partie des premiers acheteurs. Au vu de son secteur d’activité, le WristMac avait du sens.

Le WristMac était une RC-4000 de Seiko re-packagée — Cliquer pour agrandir
Dans l’espace, personne ne vous voit porter le modèle Executive du WristMac, un modèle premium dont le boîtier était en acier.

Techniquement, le WristMac n’était autre qu’une RC-4000 de Seiko « re-packagée », explique David S. Rose. Pas de changement matériel, mais un logiciel adapté au Mac, des accessoires spécifiques, et un manuel. La lecture du mode d’emploi nous apprend que pour fonctionner, la montre nécessite un Mac capable de faire tourner HyperCard (tous les Mac dotés d’un Mo de RAM, ou plus), sous système 6.0 et ultérieur, ainsi qu’une vie bien remplie. Il s’agit d’un agenda électronique, après tout !

Les manipulations pour régler l’heure feraient fuir n’importe quel porteur d’Apple Watch, la connexion et le fonctionnement avec le Mac ressembleraient aujourd’hui à l’ascension de l’Himalaya les pieds nus avec un sac de 30 kg de pierres sur le dos. Un câble Série (pour le Mac) vers mini-plug (sur la montre) était fourni avec le WristMac. Le branchement avec l’ordinateur n’était pas la chose la plus difficile même si visiblement, il fallait avoir le coup de main.

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Le plus ardu résidait ensuite dans l’import d’informations dans la montre. Il fallait saisir la plupart des données à la main depuis le logiciel du WristMac, une « pile » HyperCard. Certes, ce n’est pas aussi évident que de manipuler l’app Apple Watch de l’iPhone, mais l’équipe de développement a fait son maximum pour faciliter les choses avec une interface relativement intuitive. Après tout, en 1988, les concepts de fenêtres, d’interface graphique et de souris étaient encore très nouveaux…

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Malgré les balbutiements de l’informatique personnelle de l’époque, le WristMac se montrait aussi compatible avec d’autres logiciels : HyperCard évidemment, mais également les outils de gestion de temps et de projets de Focal Point, les itinéraires et annuaires de City-to-City, et d’autres encore. Le système de la montre pouvait aussi installer des modules externes provenant de logiciels tiers.

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Par défaut, il était possible de créer des alarmes pour des rendez-vous, des alarmes quotidiennes ou hebdomadaires, ou encore incorporer son répertoire téléphonique. On pouvait aller plus loin en créant sa propre catégorie d’informations, qui se résumaient en fait surtout à des notes ou des mémos.

Difficile de dire quand la production de cet agenda de poignet a cessé, mais on le trouvait encore dans le commerce en 1992.

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