Pourquoi Apple garde le contrôle sur les cadrans des Apple Watch

Nicolas Furno |

L’Apple Watch ressemble à toutes les autres montres connectées sur la majorité des points… sauf un : on ne peut pas choisir son cadran. Ou plutôt si, on peut, mais le choix se fait uniquement dans la sélection proposée par Apple, et celle-ci n’a pas beaucoup évolué depuis la première présentation de la montre, il y a près de deux ans.

Attendue à l’automne, watchOS 3 sera la première mise à jour majeure de l’écosystème, mais côté cadrans, il faut se contenter de quelques nouveautés mineures (à une exception près).

L’un des nouveaux cadrans livrés avec watchOS 3, où les cercles d’activité sont à l’honneur.

Au lancement de l’Apple Watch, on pouvait penser que l'ouverture aux cadrans tiers, proposés directement sur l’App Store, allait venir, qu’Apple n’était simplement pas prête. Leur absence dans watchOS 3 pose néanmoins une question : et si le constructeur n’ouvrait jamais cette fonction aux développeurs tiers ? Les cadrans resteront peut-être une prérogative d’Apple, c’est l’hypothèse du podcasteur John Gruber et elle n’est pas aussi absurde qu’on pourrait le croire.

Une montre, d’abord un cadran

Pourquoi ne pas laisser n’importe qui proposer un cadran à installer sur l’Apple Watch ? Le constructeur peut apporter plusieurs réponses à cette question, mais la plus simple est certainement qu’Apple entend garder le contrôle absolu sur cet aspect de l’expérience watchOS. Le cadran est incontestablement l’élément le plus important pour cette montre connectée, comme il l’est pour n’importe quelle autre montre.

Les constructeurs traditionnels se distinguent tous par leur cadran, c’est ce que l’on regarde en premier lorsqu'on choisit une montre. Veut-on des aiguilles ou pas, un design simple ou au contraire de multiples fonctions, la date du jour ou bien aucun chiffre… on a l’embarras du choix, mais les grands constructeurs conservent les mêmes attributs sur tous leurs modèles. Police pour les inscriptions, formes des aiguilles, emplacements des complications : un expert reconnaîtra facilement un constructeur à son cadran.

Trois cadrans très différents, trois marques très différentes.

Apple veut peut-être faire la même chose, mais à l’heure du numérique. Sa montre propose déjà des cadrans très différents les uns des autres, cependant ils sont tous réunis autour de quelques traits caractéristiques. Ils exploitent tous une police unique, San Francisco, ils sont tous ronds quand ils affichent des aiguilles, les aiguilles ont toujours la même forme et l’heure est toujours placée au même endroit pour les variantes numériques.

Même la position des complications suit en général ce schéma : deux petites dans les coins supérieurs, deux petites dans les coins en bas ou une seule grande selon les cas. Il y a des exceptions, certes. Les cadrans Modulaire et Police large sont assez différents, tout comme le cadran Mickey Mouse qui est un cas à part. Dans un autre registre, les montres vendues par Hermès disposent de leurs propres cadrans, conçus en extérieur. Néanmoins, on voit bien que tous les cadrans livrés par Apple ont été dessinés par une même équipe, avec des choix bien définis.

Quelques-uns des cadrans proposés par Apple.

En gardant le contrôle sur les cadrans proposés, Apple s’assure ainsi le contrôle sur ce que l’on voit en premier sur sa montre. Contrairement aux autres fabricants venus aux montres depuis quelques années, Cupertino a des ambitions dignes des constructeurs historiques sur ce marché. Insistance sur l’univers de la mode, commercialisation de bracelets, gammes saisonnières… On retrouve vite de nombreux points communs entre la stratégie d’Apple et celle des acteurs traditionnels.

Apple ne peut pas accepter les clones de cadrans

Si Apple acceptait les cadrans tiers, on peut être certains d’une chose : on aurait des dizaines et des dizaines de clones. Il suffit de faire un tour chez les concurrents pour voir que l’on trouve, effectivement, des cadrans qui ressemblent fort à ceux de Rolex, de Swatch ou de Casio pour reprendre les mêmes exemples que précédemment.

Rolex (ou Relox) chez Pebble, Samsung Gear ou Android Wear…

Plus encore que ses concurrents, Apple ne peut pas se permettre de laisser la porte ouverte à ces clones. Il faudrait une validation systématique, ce qui serait de toute manière le cas en passant par l’App Store. Mais le problème dans ce cas de figure est de savoir où trancher. Quel design sera suffisamment original pour être accepté ? Où s’arrête l’inspiration et où commence le clone ?

Toutes ces questions peuvent trouver des réponses et Apple est tout à fait capable de mettre en place l’infrastructure nécessaire pour vérifier chaque cadran, et l’entreprise peut très bien édicter des règles claires sur ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Néanmoins, si l’on en juge à la capacité d’Apple pour détecter les clones sur l’App Store, on peut dire que la partie n’est pas gagnée d’avance pour les cadrans…

Ce cadran va clairement chercher du côté de Casio… clone ou inspiration créative ?

Les complications ne suffisent-elles pas ?

Pourquoi vouloir des cadrans tiers ? Certains utilisateurs veulent changer régulièrement l’écran principal de leur montre et se trouvent trop limités avec la sélection d’Apple.

Mais d’autres veulent aussi des fonctions différentes sur leur Apple Watch et on peut imaginer des dizaines d’usages de niche. Une télécommande, une calculatrice, une liste de tâches, un compteur de pas, des outils professionnels… après tout, on a un ordinateur au poignet, on pourrait en faire ce que l’on veut.

L’un des cadrans conçus par Apple affiche des méduses. C’est joli, mais ce n’est pas très utile.

Apple pourrait laisser aux développeurs un contrôle total sur cet écran, ce qui poserait quelques questions. Quid, en particulier, de l’autonomie ? L’Apple Watch n’a à sa disposition qu’une petite réserve d’énergie et watchOS est pensé pour l’utiliser au minimum. Certes, cela va changer en partie avec la troisième version, mais le cadran restera largement similaire à ce que l’on a aujourd’hui, et ce sera toujours un élément assez peu gourmand du système.

Les développeurs ont déjà accès au cadran de toute manière, via les complications. C’est plus que ce qu’Apple permet sur l’écran verrouillé d’iOS, où les développeurs n’ont aucun accès, et ces complications peuvent répondre à la majorité des besoins spécifiques. Elles servent de raccourcis vers des apps tierces et elles peuvent aussi afficher des informations fournies par ces mêmes applications.

Il ne manque pas beaucoup pour que ces complications soient encore plus utiles et couvrent encore plus de besoins. On pourrait imaginer que le cadran modulaire soit nettement plus modulaire et permette aux utilisateurs d’accorder plus de place à une notification et de les organiser plus librement. Avec un petit peu plus de souplesse, Apple pourrait facilement répondre aux besoins de la majorité des demandes côté fonctions.

Le cadran modulaire manque sans doute de modularité, mais Apple pourra y remédier assez simplement.

Les complications ne permettront jamais de changer complètement de cadran pour ceux qui veulent plus de variété. Vous n’aurez pas de cadran qui ressemble à une montre Casio, sauf si Apple se décide à aller sur cette voie, ce qui semble totalement improbable.

Ajouter des cadrans régulièrement, une bonne stratégie marketing

À son lancement, l’Apple Watch proposait dix cadrans différents et une multitude d’options pour les adapter à ses goûts : couleur, densité de l’information et évidemment complications (lire : Apple Watch, le test #2 : une bonne montre ?). Depuis, l’entreprise de Tim Cook a ajouté quelques options à chaque mise à jour majeure.

Avec watchOS 2, on a bénéficié de deux nouveautés mineures, des cadrans qui avaient été montrés lors de la première présentation de la montre, en septembre 2014, mais qui avaient été retirés avant sa commercialisation. Un cadran accéléré qui affiche une vidéo de lieu à chaque fois qu’on lève le poignet et un autre qui présente une photo ou un album de photos. On avait aussi des couleurs supplémentaires pour tous les cadrans existants et surtout les complications tierces (lire : watchOS 2 : les 9 points-clé pour bien commencer).

À la sortie de watchOS 2, Apple a mis en avant les nouveaux cadrans, même s’ils avaient un air de déjà-vu…

Rebelote avec watchOS 3 qui arrivera à l’automne : Apple a ajouté quelques cadrans supplémentaires, notamment une série dédiée aux cercles d’activité, et des options pour ceux qui existaient déjà. On a ainsi Minnie Mouse en plus de Mickey, quelques variantes de cadrans existants et une série de cadrans numériques (lire : watchOS 3 : à l’heure du pragmatisme). Rien de fondamentalement nouveau, mais un petit peu de nouveautés qui seront appréciées par tous ceux qui se sont lassés des dix choix originaux.

watchOS 3 est encore une fois l’occasion de sortir de nouveaux cadrans.

C’est une stratégie bien connue chez Apple : avec les mises à jour majeures et annuelles, il faut des nouveautés à annoncer à chaque fois. Pour watchOS 3, les vrais changements sont ailleurs, essentiellement du côté optimisation avec des vitesses de chargement bien supérieures pour les apps, notamment. Mais un nouveau cadran, c’est plus facile à vendre : c’est visuel et c’est la première chose que l’on voit sur la montre.

Apple continuera probablement à ajouter des cadrans à chaque mise à jour de watchOS, c’est une bonne stratégie marketing et c’est une manière de renouveler la montre tous les ans. On pourrait espérer que le rythme de nouveautés s’accélère quelque peu néanmoins, et aussi que l’entreprise s’éloigne plus franchement de ses premiers cadrans. Jusque-là, on peut plus facilement parler de variantes que de nouveaux cadrans…

Par ailleurs, le partenariat entre Apple et Hermès concerne non seulement les bracelets, mais aussi les cadrans. Peut-être que ce partenariat ne sera pas unique et que d’autres entreprises dans l’univers de la mode proposeront leur bracelet et un cadran spécifique. Mais pour que cela ait un sens, Apple doit garder la main sur cet écran…

L’une des montres Hermès, avec le cadran spécifique conçu par l’entreprise française.
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