Les challenges pour créer la première Apple Watch expliqués par une ancienne d'Apple

Florian Innocente |

La création d'un tout nouveau produit, comme l'a été l'Apple Watch n'a pas été avare en challenges techniques. Anna-Katrina Shedletsky a détaillé sur Quora une poignée d'entre eux. Entre les fonctions trop compliquées pour être proposées d'emblée et les procédés de fabrication à inventer.

Apple Watch 2015, crédit iFixit

Pendant deux ans, Anna-Katrina Shedletsky a dirigé une équipe de vingt personnes qui s'occupaient de mettre au point toute la partie mécanique du produit et de valider les processus d'assemblage. Avant cela elle avait participé au développement des iPod nano 7G et iPod touch.

« L'un des plus grands défis de la création d'un produit de première génération consiste à déterminer quelles fonctionnalités doivent figurer dans le produit et lesquelles ne devraient y être » dit-elle en préambule, « Ce n'est pas parce que quelque chose est faisable que ça donnera un bon produit ».

Ce cahier des charges fut établi entre les designers, les ingénieurs et le marketing. Aux ingénieurs ensuite la charge de définir ce qui est techniquement possible, les contraintes à affronter et les compromis à faire.

Pour le premier modèle de 2015, Apple pensait déjà à une fonction d'ECG (l'électrocardiogramme), au moyen d'un capteur électrique, en plus du capteur optique utilisé pour la fréquence cardiaque.

L'ECG n'est finalement apparu qu'avec la Series 4 de 2018. Trop de problèmes restaient insolubles. Il fallait en premier lieu être sûr de la qualité des relevés effectués. Ensuite, Apple voulait pourvoir sa montre d'une résistance renforcée à l'eau (ce qui arrivera avec la Series 2). Cela impliquait d'ajouter des joints… qui peuvent faillir et laisser pénétrer de l'eau alors que les électrodes pour l'ECG ont besoin d'être bien isolées. « Au final c'était trop compliqué de le faire dans la première génération, avec tout ce qu'il y avait d'autre à régler ailleurs ».

Même challenge pour la fonction de connexion cellulaire qui attendra la Series 3. À l'époque de la conception du premier modèle « Le chipset cellulaire disponible aurait occupé la moitié de l'espace libre (et on en avait besoin pour des choses importantes !) » poursuit Anna-Katrina Shedletsky.

D'ailleurs, le produit dans son ensemble n'était pas très hospitalier pour tout ce qui relevait des antennes dit-elle : « C'est une boîte en métal attachée à une surface incroyablement bloquante (votre poignet) ». Sur les téléphones, le cadre métallique autour du châssis avait fini par servir d'antennes « Ça ne pouvait pas fonctionner avec la Watch parce qu'il était impossible de créer une séparation entre le métal et le non-métal (un isolant comme le plastique) qui soit en outre étanche sous la pression ». Un problème parmi d'autres mais fondamental « Sans au minimum une antenne Wi-Fi on n'avait pas de produit ».

L'iPhone 4 et son fameux cadre d'antennes

Une collaboration entre son équipe et celle en charge des antennes déboucha sur une solution théorique, à défaut d'être immédiatement concrète sur un plan pratique.

Il s'agissait d'enfiler l'antenne autour de l'écran et de la placer dans le dessin d'une rainure — « On ne savait pas à l'époque comment on allait s'y prendre » — et de la séparer suffisamment de toute présence métallique pour que cela suffise à fonctionner (même si la séparation était inférieure à 1 millimètre).

Ce compromis soulevait d'autres questions. Pour l'équipe antennes il fallait que cela ne nuise pas aux performances. Pour l'équipe d'Anna-Katrina Shedletsky il fallait trouver comment s'y prendre ne serait-ce que pour fabriquer ces pièces à la chaîne.

Et puis ça devait marcher avec une surface en verre et une autre en cristal de saphir (les deux finitions proposées pour l'écran) : « Nous commencions tout juste à travailler sur la découpe du saphir, il est beaucoup plus dur que le verre et il est plus difficile de lui donner une forme ».

L'autre challenge consistait à permettre un assemblage de cette partie antenne en toute fin de la ligne de production. Shedletsky explique que la logistique imposait un délai de 12 semaines pour obtenir les écrans. Du côté d'Apple, plusieurs itérations étaient nécessaires pour arriver à un design d'antennes qui fonctionne comme espéré.

Pour chaque changement effectué c'était 12 semaines supplémentaires d'attente : « Le produit n'aurait jamais été lancé ». La solution fut de « Trouver un moyen pour l'assembler autour d'un écran OLED incroyablement fragile qui cassait si vous le touchiez ». Elle conclut par cette analogie : « Vous connaissez un jeu qui s'appelle "Docteur Maboul" ? C'était exactement ça ».

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