Fossil met les gaz vers les montres connectées

Florian Innocente |

L'arrivée d'Apple sur le marché de la montre continue de faire méchamment tanguer le groupe Fossil dont les montres classiques prennent de plein fouet la concurrence des modèles connectés, plus chers mais bien mieux pourvus en services et fonctions.

Les déclarations de Kosta Kartsotis, le patron de Fossil, lors de la présentation de ses résultats trimestriels, soulignent à quel point les montres connectées sont en train de se tailler une place au soleil et obligent les fabricants de montres traditionnelles — celles vendues moins de 1 000 $ — à réinventer leur offre.

Un modèle hybride et un modèle connecté signés Fossil

Fossil possède 16 marques, certaines en son nom d'autres sous licence (Skagen, Kors and Emporio Armani, Diesel, Kate Spade, Adidas, Burberry, Karl Lagerfeld, DKNY, Marc Jacobs, etc) et un catalogue tout aussi impressionnant de montres. Plusieurs dizaines de références appartiennent aux familles dites connectées : soit avec Android Wear, soit hybrides (des montres traditionnelles dotées d'un compteur de pas et d'un vibreur pour les notifications). Il y a deux ans, Fossil a ajouté Misfit et ses traqueurs d'activité à son portefeuille.

Chiffres d'affaires annuels du groupe Fossil, en milliards de dollars (crédit : Hodinkee)

En 2017, le groupe a vu ses ventes continuer de chuter avec des pertes annuelles de 478 millions de dollars contre 79 millions de bénéfices en 2016. La courbe des bénéfices a commencé à décrocher puis à piquer du nez en 2015, année de lancement de l'Apple Watch. Le produit d'Apple n'est peut-être pas le seul responsable — les modes de consommation ont changé aussi avec l'importance accrue de la vente en ligne face aux boutiques — mais il a obligé Fossil à injecter de l'électronique dans nombre de ses produits.

Résultats nets annuels

La concurrence des montres connectées pèse sur son activité tout en s'affirmant comme une manière de rebondir. Les "wearables" ont représenté 20 % des ventes de Fossil au dernier trimestre de Noël (comme chez Apple, cette catégorie marche surtout en fin d'année, a noté Kosta Kartsotis), c'est 40 % de mieux qu'à Noël 2016. Cela représente des ventes de 142 millions de dollars sur ce trimestre, soit une progression de 44 % sur un an.

Kartsotis s'est déclaré « assez surpris » par la taille grandissante du marché des produits connectés, qui devrait tutoyer ceux des montres traditionnelles d'ici deux ans (lire aussi Fin 2017, les ventes d'Apple Watch ont dépassé celles de l'industrie horlogère suisse) :

Le marché mondial de la montre est d'environ 65 milliards de dollars, la portion sur laquelle nous opérons compte pour environ la moitié, et la Suisse pour l'autre moitié. Ce qui fait environ 32 milliards de part et d'autre. L'année dernière, le marché du wearable a représenté 17 milliards de dollars et il est estimé à 32 milliards en 2020.

Un secteur dont Fossil avait au départ mal évalué les dimensions (en les sous-estimant) et qu'il décrit, pour ce qui le concerne, comme essentiellement jeune et très majoritairement féminin. Des clientes qui cherchent des produits capables de concilier « mode et affichage d'une réussite sociale ». Le groupe Fossil va dès lors développer tant et plus ses gammes connectées « qui vont être un facteur de croissance pour 2018 et au-delà ».

Fossil peut également jouer une autre carte, celle de la différenciation physique, puisqu'avec sa dizaine de marques il est en mesure de proposer toutes sortes de styles là où Apple s'en tient à un design dont les variations sont plus limitées si l'on excepte le foisonnement des bracelets. Côté Fossil, il y en a pour absolument tous les goûts, du plus sobre au plus tape-à-l'œil et 2018 va être l'occasion de lancer « quatre nouveaux formats pour les montres connectées et les hybrides ».

Le groupe concède par contre que la valeur ajoutée des montres hybrides n'est pas encore bien perçue par les clients et que les résultats sont plus modestes sur ce secteur.

Sans grande surprise, la manière de promouvoir ces produits électroniques n'est pas complètement différente de celle d'Apple. Gregory McKelvey, Chief Strategy et Digital Officer de Fossil cite les thématiques de la santé, du fitness et du bien-être : « Fin 2017, nous avons ajouté la mesure cardiaque et une application de fitness améliorée et ces nouvelles smartwatches sont rapidement devenues des bestsellers en l'espace de deux mois ».

Une bonne part de la communication pour 2018 va s'appuyer sur ces ressorts. Fossil espère également beaucoup de la présence de Google Assistant dans Android Wear pour booster l'intérêt pour ces montres connectées dans les années à venir.

Les montres connectées s'affirment comme une réponse possible au marasme des ventes des montres traditionnelles au sein du groupe Fossil. Pour autant, 2018 s'annonce à nouveau comme une année difficile, prévient Kosta Kartsotis. Les ventes de montres connectées sont bien parties pour progresser à nouveau fortement cette année… sans que cela se traduise par des résultats financiers en hausse.

Autrement dit : il y a de la lumière au fond du tunnel, sauf que le tunnel est plutôt long. C'est un avantage qu'a Apple sur de tels concurrents, elle n'est pas obligée d'en passer par une longue période de transition et d'adaptation de son catalogue.

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