L'Apple Watch n'est pas (encore) le meilleur coach sportif

Mickaël Bazoge |

Armé de ses nombreux capteurs, l'Apple Watch est un appareil de prédilection pour relever l'activité physique. Les amateurs de torture sueur l'ont rapidement adopté, ce qu'Apple a remarqué très vite en mettant l'accent sur les capacités sportives.

Mais si l'Apple Watch est effectivement très douée pour mesurer les performances sportives, est-elle pour autant un coach efficace ? En d'autres termes, la montre connectée d'Apple peut-elle vous aider à devenir un meilleur sportif ?

La montre de sport ultime, ou presque

L'Apple Watch, c'est « la montre de sport ultime », celle qui « vous entraîne toujours plus loin », selon la phraséologie d'Apple. Des slogans marketing, c'est certain, mais qui ont un fond de vérité malgré tout : la batterie de capteurs de l'appareil (cardiofréquencemètre, GPS, l'altimètre pour la Series 3, la synchro avec les équipements sportifs…) lui permettent de produire des données relativement fiables.

Il est toujours possible de faire mieux cependant, en particulier au niveau de la mesure de la fréquence cardiaque. Une des dernières rumeurs porte justement sur l'intégration d'un électrocardiographe pour mesurer l'activité électrique du palpitant.

Il est entendu que l'iPhone est le meilleur appareil photo au monde puisqu'on l'a toujours sur soi. En suivant cette logique, l'Apple Watch est le meilleur traqueur d'activité qui puisse exister… puisqu'on le porte constamment au poignet. Mais tout n'est pas parfait, loin de là. Et le problème ne réside pas forcément dans le matériel (même s'il est perfectible).

La dictature des calories

En mai dernier, Tim Cook expliquait dans une interview que son Apple Watch lui avait permis de perdre 13 kg. Le patron d'Apple n'a jamais souffert de surpoids manifestement, mais cette déclaration confirmait surtout que les fonctions bien-être de la montre ont un objectif : perdre du poids.

Le Double Down de KFC : entre les deux filets de poulet panés qui remplacent les buns, du bacon, du fromage et de la sauce. Image : Michael Saechang, CC BT-SA 2.0.

Dans un pays où cohabitent Weight Watchers et des sandwichs bien gras comme celui ci-dessus, l'obsession des kilos en trop irrigue toute l'industrie du fitness connecté. Et puisqu'il est entendu que la perte de poids passe par une réduction des calories consommées, tous les traqueurs d'activité mesurent le nombre de calories brûlées, et l'Apple Watch ne fait pas exception. Mieux encore : un cercle d'activité y est entièrement consacré.

Il s'agit là d'une idée simple et facile à comprendre : moins de calories = des kilos en moins. C'est cependant une vision simpliste de la perte de poids. Il n'est pas question de se priver de trop de calories, qui sont de l'énergie dont le corps a besoin pour assurer ses fonctions vitales. Et puis comme chez les chasseurs, il y a la bonne et la mauvaise calorie ! Pour une quantité données de calories à avaler chaque jour, mieux vaut se nourrir de légumes et de produits sains plutôt que de junk food synonyme de diabète et de coup de pompe à la fin de la journée.

Perdre du poids, ce n'est donc pas uniquement le calcul de calories. D'autres facteurs entrent en ligne de compte : les muscles représentent aussi une certaine masse dans le corps, tout comme la quantité d'eau. Personne ne recommandera de perdre du muscle ou de l'eau pour affiner sa silhouette… L'IMC (indice de masse corporelle) est également un facteur important que l'Apple Watch est bien incapable de mesurer seule (une balance connectée sera un compagnon idéal).

Sans perdre nécessairement beaucoup de poids, des changements dans les habitudes de vie (alimentation, un peu de sport) permettent de réduire la masse graisseuse. On se sentira alors plus élancé, les muscles commenceront à se dessiner… Pour une première approche des bonnes pratiques en termes de sport et de bien-être, on peut se rendre sur ce site du Ministère des sports.

Et puis personne n'est pareil : taille, poids, corpulence… Chacun a un profil qui diffère de celui du voisin. Et les objectifs peuvent varier, on peut ainsi vouloir gagner de la masse musculaire (et donc du poids), ou renforcer son endurance dans le cadre d'un entraînement pour un marathon.

Pour résumer, il ne suffit pas de calculer les calories brûlées pour être en forme. C'est un tout auquel l'Apple Watch peut contribuer bien sûr, mais la montre seule ne saurait remplacer une réflexion sur ses habitudes de vie et d'alimentation.

Des activités limitées

L'Apple Watch est douée pour les activités cardio : course, elliptique, rameur, vélo, natation… Cette appétence procède de la logique matérielle de la montre : du capteur cardiaque au GPS, les capteurs de l'appareil se prêtent parfaitement à la mesure des sports privilégiant l'endurance et l'effort physique en continu. Apple ne s'y est pas trompé en ajoutant à l'app Exercices un entraînement fractionné (entraînement par intervalles à haute intensité).

Tout cela est idéal pour les coureurs, les nageurs ou les cyclistes. Mais les rats de salles de sport qui taquinent les haltères n'ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. Alors c'est entendu, il est tout à fait possible de créer un nouvel exercice (lancez un exercice "Autre", puis renommez-le) : la sélection d'activités libres proposée par Apple est vaste et à chaque sport correspond une icône. Un petit plus appréciable.

Certains sports sont effectivement difficiles à mesurer. Le yoga, les pilates, les arts martiaux, la chasse, le tir à l'arc, le bowling… On comprend que malgré tous ses capteurs, l'Apple Watch ne peut pas fournir de relevé plus précis que celui du nombre de calories brûlées. Mais pour les sports basés sur un effort ponctuel et intense, la montre devrait être capable d'en offrir plus.

Certains sports individuels (badminton, tennis de table, boxe, etc.) ou collectifs (football, basketball, handball, hockey…) s'apparentent à bien des égards à des entraînements fractionnés ; or, la montre ne calcule que les calories brûlées. Il y a aussi la problématique de la musculation et de l'entraînement musculaire. L'Apple Watch ne prend pas en charge les mouvements liés à la levée de poids et par conséquent, elle ne peut pas gérer les répétitions et les séries.

On comprend que cette mesure n'a rien d'évident. Mais l'altimètre intégrée à la Series 3 ainsi qu'un zeste d'intelligence artificielle ne pourraient-ils pas aider les adeptes des haltères ? Les applications tierces dédiées à la muscu ne permettent généralement que de noter « à la main » les répétitions — c'est pratique, mais cela reste très artisanal. On ne demande pas évidemment que l'Apple Watch sache estimer le poids d'un haltère, une information que le sportif sera amené à saisir à la main. Mais Apple devrait être capable de proposer plus et mieux dans ce domaine.

À la décharge du constructeur, peu de traqueurs d'activité savent mesurer automatiquement les répétitions. À notre connaissance, seul le Vivosmart 3 de Garmin est capable d'une telle prouesse. On ne peut toutefois s'empêcher de penser qu'Apple développe une telle fonction dans le secret de sa salle de fitness high tech.

Des programmes à imaginer

Apple a l'ambition de faire progresser les sportifs utilisateurs de la montre connectée. Le constructeur a même développé une application spécifique, Activité, qui conserve les données recueillies par l'Apple Watch. Des informations indispensables pour remplir les fameux cercles d'activité !

Ces cercles sont sans nul doute une des plus grandes réussites de la montre connectée. Les remplir tous chaque jour est un défi qui se renouvelle — du moins pendant les premières semaines — avec les trophées et autres défis éphémères à décrocher. Ces récompenses restent tout de même un peu anecdotiques : la quantité et la variété font vite défaut, et les défis temporaires sont souvent réservés aux utilisateurs américains (pour Thanksgiving ou la fête des mères).

Il reste bien les fonctions de partage avec des amis, mais on se lasse vite de recevoir à tout bout de champ les notifications du moindre exploit de ses partenaires de sport. Et encore plus de leur envoyer des messages d'encouragement (ceux disponibles par défaut gagneraient à être renouvelés).

Une fois qu'on les a rempli une centaine de fois, l'intérêt de ces cercles s'émousse quelque peu. Pour ceux qui voudraient aller plus loin, plus fort, plus vite, Apple abandonne le terrain aux éditeurs tiers. Le nombre d'applications proposant aux sportifs d'améliorer leurs performances est pléthorique, d'ailleurs dès l'ouverture de l'App Store de l'Apple Watch on tombe dessus !

Mais ce choix ne doit pas empêcher Apple d'en faire plus, surtout depuis que le constructeur a décidé de mettre le paquet sur l'aspect forme et bien-être. Au-delà de la simple fonction de mesure de telle ou telle activité sportive, l'application Exercices devrait proposer de véritables séances de sport optimisées pour l'utilisateur et son profil physiologique dressé par l'app Santé, qui relève à chaque instant une masse de données (et encore plus avec iOS 11.3).

L'Apple Watch pourrait ainsi produire une série d'activités sportives à réaliser pendant une heure ou deux selon les besoins, l'envie et le temps disponible du porteur de la montre. Ce serait l'équivalent sportif des listes de lecture d'Apple Music, qui s'adaptent aux goûts de l'auditeur.

L'app Exercices pourrait ainsi piocher dans des centaines d'activités via un algorithme pondéré par une petite main humaine. De nombreuses applications proposent ce type de fonction, parfois via des achats intégrés, souvent sur abonnement.

L'application Runtastic Six Pack Musculation contient de nombreux exercices pour avoir des abdos en béton.
L'application Nokia Health Mate propose de son côté des programmes bien-être pour tonifier son corps ou améliorer son sommeil.

Dans le même ordre d'idée, un journal d'entraînement pourrait être disponible pour consulter les séances précédentes (la liste indigeste de l'app Activité n'est pas d'un très grand secours), et surtout aider à la planification des suivantes. Ce journal servirait aussi à déterminer les temps de récupération, et quand il faut laisser au corps un peu de temps pour souffler un peu.

Actuellement, peu importe la situation dans laquelle on se trouve : blessé, malade, fatigué, ou tout simplement empêché (coincé dans un avion pour la journée, par exemple), rien n'y fait, l'Apple Watch n'en tient pas compte. Il faut remplir ces fichus cercles !

Il devrait être possible d'indiquer, par exemple le matin, comment on se sent : en fonction de la réponse, l'Apple Watch pourrait se retenir d'encourager l'utilisateur à bouger. Voire tout simplement à oublier les cercles pour la journée sans que cela n'ait d'impact sur le suivi des trophées.

À la décharge d'Apple, peut-être que certaines de ces propositions sont soumises à l'aval de la FDA, l'organisme américain qui valide les produits médicaux à destination des États-Unis. On a d'ailleurs prêté à Apple l'intention d'obtenir ce feu vert pour l'Apple Watch, avant de se raviser devant le temps nécessaire à l'examen du dossier (la FDA est désormais plus souple). Mais si Nokia, Garmin ou Fitbit parviennent à offrir des programmes d'activité complets, pourquoi pas Apple.

Pour conclure

L'Apple Watch se présente comme un produit polyvalent qui sait faire un peu de tout, plutôt mieux que pas très bien. En matière de sport, la montre est un compagnon qui s'adapte bien aux besoins les plus communs des coureurs, des nageurs et plus généralement de tous ceux qui font du sport pour entretenir leur corps et perdre du poids.

Pour ceux qui sont engagés dans une démarche d'amélioration de leurs performances, l'Apple Watch est plus limitée. Il y a toujours la possibilité de s'épauler d'une application tierce, voire d'un accessoire supplémentaire comme une ceinture cardio (ou d'un équipement compatible GymKit si on a la chance de fréquenter une salle équipée).

On peut toutefois regretter qu'Apple se soit contenté d'un profil type relativement commun en Californie et aux États-Unis, en laissant à d'autres éditeurs le soin d'accompagner des sportifs en quête d'autres choses que la perte de poids. En l'état et par défaut (une précision importante), l'Apple Watch n'aide pas réellement à devenir un meilleur athlète.

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