Les changements de watchOS 10 ont nécessité « beaucoup de courage », selon Kevin Lynch

Stéphane Moussie |

watchOS 10 va bouleverser des habitudes bien ancrées chez les utilisateurs. Présenté comme la mise à jour la plus importante jamais réalisée depuis le lancement de l'Apple Watch, le nouveau système modifie plusieurs comportements coutumiers. Mais ce n'est pas la première fois qu'Apple revoit en profondeur les facultés de sa montre.

Les acheteurs de la première heure se souviennent de Digital Touch, des fonctions de communication qui permettaient d'envoyer le battement de son cœur, des tapotements et des gribouillis. Constatant que pas grand-monde ne s'en servait, Apple a mis en retrait ces fonctions après quelques années. Digital Touch n'a pas complètement disparu, il reste possible de griffonner un dessin sur la montre. Cette fonction doit son salut aux enfants de Kevin Lynch. « Mes enfants sont maintenant plus âgés et ils m'envoient des messages Digital Touch. Rien que pour cela, la fonction en vaut la peine », déclare le responsable logiciel de la montre dans un long entretien au journal suisse Tages-Anzeiger.

watchOS 10 au poignet de Kevin Lynch. Image Apple / MacGeneration.

« Il y avait un gros travail de brainstorming de la part de toute l'équipe à l'époque, se souvient Deidre Caldbeck, la responsable marketing de l'Apple Watch. Nous avons réfléchi à tout ce qui était possible et utile avec un petit appareil offrant autant de possibilités de saisie. Notre plus grand défi a été de trouver la bonne quantité d'informations pour un écran aussi petit qu'un cadran de montre. Il y a beaucoup d'exigences et de préférences différentes. Certaines évoluent avec le temps.»

Lancée au départ comme un appareil multifacette permettant entre autres de rester en contact avec ses proches, l'Apple Watch a été réorientée progressivement vers les domaines où elle a fait preuve d'une vraie pertinence, à savoir le sport et la santé. Cette évolution pragmatique a également concerné les modes d'interactions. Force Touch, en particulier, n'a pas passé l'épreuve de l'utilisation réelle par les clients, comme l'explique Kevin Lynch au quotidien germanophone :

 Étant donné que l'écran est très petit, nous voulions avoir une solution pour les fonctions dont on a besoin occasionnellement, sans occuper d'espace. C'est ainsi que nous avons eu l'idée d'appuyer plus fort pour accéder à des fonctionnalités supplémentaires. Cela a résolu notre problème, mais cela en a créé un nouveau en même temps : on ne voyait pas où l'on pouvait accéder à davantage de fonctionnalités et il fallait savoir précisément ce que l'on faisait. C'est pourquoi nous avons cherché des alternatives. Maintenant que les écrans sont nettement plus grands, nous avons beaucoup plus de possibilités pour afficher des informations et des fonctionnalités supplémentaires.

watchOS 10 joue un rôle important à ce titre en faisant en sorte que ses applications tirent parti de toute la surface de l'écran — un agrandissement rendu possible par l'abandon de la Series 3 et de son écran 38 mm l'année dernière.

watchOS 10

Parmi les autres choses que les ingénieurs et designers d'Apple ont apprises sur le tas, c'est que les interactions doivent être extrêmement brèves. « Lorsque nous avons commencé, nous pensions que les gens utiliseraient la montre pendant environ 10 secondes pour toutes sortes d'actions, raconte celui qui l'a révélée au monde entier en 2014. Mais lorsque nous avons commencé à utiliser la montre nous-mêmes, nous avons réalisé que 10 secondes étaient trop longues. Nous sommes donc passés à 2 secondes. Il faut pouvoir effectuer des tâches en 2 secondes. Cela semble incroyablement court, mais nous avons alors commencé à orienter tout notre logiciel vers des interactions aussi courtes. »

Là encore, watchOS 10 est censé répondre à cette problématique avec deux évolutions majeures : d'un côté, la nouvelle fonction Smart Stack, une pile de widgets accessibles depuis le cadran en tournant simplement la couronne digitale, de l'autre, la réaffectation du bouton latéral au centre de contrôle. Mais ces deux nouvelles actions en remplacent des existantes (modification de certains cadrans pour la rotation de la couronne digitale et lancement des apps récentes pour le bouton latéral), ce qui va irrémédiablement provoquer des erreurs de la part des utilisateurs au départ.

watchOS 10 : la Smart Stack va bousculer toutes vos habitudes

« Ces changements nécessitent toujours beaucoup de courage, assume Kevin Lynch. Beaucoup de gens aiment les choses telles qu'elles sont. C'est pourquoi on peut toujours revenir à l'ancienne vue avec les applications ouvertes en appuyant deux fois sur la couronne. En fait, c'est même plus logique, car lorsque vous appuyez une fois sur la couronne, vous accédez aux applications. »

Quant au centre de contrôle qui s'ouvre maintenant en appuyant sur le bouton latéral, le responsable fait valoir que ce changement est avantageux car l'action est réalisable de n'importe où. « Auparavant, il fallait toujours revenir au cadran pour accéder aux paramètres », indique-t-il. Ce n'est pas tout à fait exact : il y a une astuce qui consiste à appuyer sur le bas de l'écran quelques instants pour faire apparaître le centre de contrôle où que l'on soit. Mais il est vrai que cette manipulation est encore plus obscure que Force Touch.

La Smart Stack de watchOS 10

S'il a fallu du courage pour changer le rôle des boutons de l'Apple Watch, ces modifications ne viennent pas de nulle part non plus. Dans leur entretien accordé au Tages-Anzeiger, Kevin Lynch et Deidre Caldbeck insistent sur le fait que ce sont des changements qui ont été demandés par les utilisateurs, désireux qu'ils sont d'accéder plus rapidement à des infos et aux contrôles.

Reste un souhait ancien qui n'a toujours pas été exaucé : créer des cadrans à partir de zéro ou à tout le moins pouvoir en télécharger d'autres conçus par des éditeurs tiers. À entendre Kevin Lynch, il ne faut rien attendre à ce sujet dans l'immédiat.

« Nous considérons le cadran comme une sorte d'écran d'accueil pour la montre. C'est le point central lorsque l'on interagit avec la montre. Nous mettons énormément d'efforts dans chaque cadran. Tout doit fonctionner de manière cohérente et simple, argumente-t-il. Mais nous devons également être en mesure de planifier à l'avance et de nous assurer que les cadrans continuent de fonctionner lorsque nous apportons des modifications ou introduisons de nouvelles fonctionnalités. »

Cet argument ne convaincra sans doute pas les défenseurs des cadrans custom qui objecteront qu'Apple pourrait mettre en place un cadre pour assurer leur compatibilité, mais la collègue de Kevin Lynch ajoute une couche pour réfréner les ardeurs :

Nous offrons aux développeurs d'applications la possibilité de remplir les cadrans avec plusieurs complications, de les personnaliser visuellement et de les proposer en téléchargement dans leurs propres applications ou sur leurs sites web [elle fait référence au partage de cadrans introduit dans watchOS 7, ndlr]. Les développeurs peuvent donc déjà créer leurs propres cadrans avec toutes leurs informations. De cette façon, ils n'ont pas à se soucier du bon fonctionnement du cadran lorsqu'une importante mise à jour de watchOS est disponible. C'est notre responsabilité.

Mais qui sait, en insistant encore, Apple finira peut-être par avoir le courage d'assouplir la gestion des cadrans dans quelques années.

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