Depuis 2018, Apple organise pour le « top 100 » de ses employés et dirigeants une présentation annuelle de son casque de réalité mixte, révèle Mark Gurman dans sa newsletter du dimanche. Pour le constructeur, c'est un moyen de maintenir l'enthousiasme autour de ce nouveau produit, pour un public trié sur le volet qu'il convient de garder dans ses effectifs.

Une telle présentation, baptisée « Fight Club demos » (la première règle du « Fight Club demo » étant qu'on n'en parle pas) aurait eu lieu la semaine dernière au Steve Jobs Theatre, à l'Apple Park. Et contrairement aux années précédentes, les heureux élus ont semble-t-il eu droit à une démonstration « raffinée, fastueuse et excitante », qui se rapprocherait de celle qui pourrait avoir lieu durant la WWDC, en public.

Il y a cinq ans, lorsque Jony Ive était encore aux commandes du studio de design d'Apple, la présentation annuelle au top 100 avait captivé l'audience présente. Comme le décrit le New York Times, les employés présents auraient eu droit à une vidéo d'un homme dans un taxi londonien portant un appareil de réalité augmentée. Il appelle sa femme restée à San Francisco, et il lui demande si elle veut venir à Londres. Pas la peine de prendre l'avion pendant 15 heures : le couple peut voyager ensemble, virtuellement, grâce à ce dispositif.

La vidéo aurait fait son petit effet, mais il semble maintenant que l'enthousiasme des débuts se soit transformé en scepticisme chez plusieurs employés d'Apple. Trois points de désaccord remonteraient en interne : le prix attendu de l'appareil, dans les 3 000 $ ; des doutes sur l'utilité de l'engin ; et des inquiétudes quant au marché actuel.

Une solution à la recherche d'un problème

Pour ce dernier point, il est vrai que la situation du marché de la réalité virtuelle et augmentée ne plaide pas vraiment en faveur d'un nouveau venu. Contrairement à l'iPod, l'iPhone ou l'Apple Watch qui ont été lancés sur des marchés prometteurs et en pleine croissance, Apple va se lancer dans un secteur qui pique du nez : plusieurs tentatives ont échoué (Google Glass, Magic Leap), quand d'autres en sont toujours au stade du potentiel non réalisé (HoloLens, Quest 2, Quest Pro). D'après NPD, les ventes sur ce marché ont reculé de 12 % l'an dernier.

On pourrait néanmoins rétorquer qu'au lancement de l'iPad, le segment des tablettes n'était pas au meilleur de sa forme non plus. Et que les AirPods étaient aussi un pari alors que les écouteurs vraiment sans fil étaient peu répandus. Néanmoins, avec ce prix de 3 000 $, ça ne fait pas de doute que le grand public va être laissé à la porte. Les rumeurs indiquent qu'Apple aurait comme objectif d'écouler 1 million d’unités durant ses douze premiers mois, une estimation que Counterpoint divise par deux.

Ne dites pas métavers mais « Copresence »

Des employés se demanderaient si le casque de réalité mixte ne serait pas une solution à la recherche d'un problème. Apple mettrait le paquet sur des fonctions comme les appels vidéo et sur la possibilité de passer du temps ensemble dans un monde virtuel. Voilà qui n'est pas sans rappeler le fameux métavers de Meta, un mot banni par les dirigeants d'Apple.

D'après le NYT, Apple aurait mis au point une application « signature » baptisée « Copresence », pour cette expérience de partage d'un espace virtuel ou réel avec d'autres personnes. Le constructeur orienterait également le dispositif vers les artistes, les designers et les ingénieurs. Les fonctions de reconnaissance des mouvements des mains seraient suffisamment précises pour monter et éditer des films de réalité virtuelle… Et pour finir, il y aurait aussi du contenu vidéo spécifiquement conçu pour le casque.

Pas de quoi convaincre plusieurs employés, qui auraient quitté le projet en raison de leurs doutes. D'autres ont été remerciés à cause du manque de progrès sur des aspects du casque, notamment sur Siri. Voilà qui rappelle les indiscrétions entendues il y a quelques semaines concernant les inquiétudes du studio de design :

Ce premier casque ne sera sans doute pas aussi peaufiné que d'autres produits Apple. Gurman réitère que l'appareil nécessiterait une batterie externe à recharger ou à remplacer assez régulièrement, au bout d'une poignée d'heures. Des testeurs jugeraient également que le dispositif est toujours inconfortable. Mais ce serait perçu comme un premier pas vers des modèles plus évolués et meilleur marché (un futur modèle coûterait moitié moins cher).

Gurman compare ce premier casque de réalité mixte à l'Apple Watch. Au lancement de la montre connectée, la Pomme ne savait pas pour qui ce produit était destiné ni quelles fonctions allaient réellement être utilisées. Il a fallu attendre la Series 3 pour avoir une idée plus claire de l'intérêt de l'appareil, à savoir le suivi de la santé et de l'activité sportive. Apple a les poches suffisamment profondes pour soutenir un produit pendant un bon moment et lui trouver son utilité et son marché.