Baselworld : la grande foire de l’horlogerie patraque

Anthony Nelzin-Santos |

« Un géant qui s’érode » (Le Temps), un salon « en crise » (RTS Info), un événement qui « tire la langue » (RFJ)… la presse suisse n’a pas assez de mots pour décrire le doute et l’inquiétude qui tourmentent Baselworld. La grande foire de l’horlogerie aborde son deuxième siècle d’existence avec difficulté : contrainte et forcée par le départ de nombreux exposants, elle doit « repositionne[r] son concept ».

Le fameux bâtiment de la Messe Basel, qui accueille Baselworld. Image WatchGeneration.
Le fameux bâtiment de la Messe Basel, qui accueille Baselworld. Image WatchGeneration.

La rumeur était dans l’air depuis plusieurs mois : MCH Group a confirmé vouloir réduire la voilure de Baselworld. Le prochain salon de l’horlogerie et de la bijouterie regroupera « 600 à 700 exposants » pendant six jours, alors qu’il avait réuni 1 300 exposants pendant huit jours cette année. L’organisateur de Baselworld dit vouloir miser « sur la qualité et la diversité », mais entend surtout répondre au feu des critiques.

De nombreux sous-traitants ont annoncé qu’ils ne se déplaceront plus à Bâle, où ils ne se sentent plus bienvenus. Certains iront à Genève, où l’industrie horlogère organise l’EPHJ en juin, d’autres se rendront à La Chaux-de-Fonds, où un nouveau salon pourrait se tenir en même temps que Baselworld. Tous s’accordent sur le coût prohibitif de la grande foire bâloise.

Un coût estimé à « environ 10 millions de dollars » par Movado, le spécialiste des montres sous licence, qui préfère annuler sa participation et réinvestir cette somme dans sa communication numérique. Face « à l’importance croissante de la distribution en ligne », Baselworld n’est plus un rendez-vous incontournable, pendant lequel certains fabricants réalisaient une partie conséquente de leur chiffre d’affaires annuel.

Toutes les maisons, même les plus exclusives, communiquent sur les réseaux sociaux et vendent par l’intermédiaire du web — H. Moser & Cie a même fondé son image de marque sur une communication numérique complètement décalée. Quitte à participer à un salon, les petites manufactures préfèrent le SIHH de Genève, réputé plus intimiste et plus luxueux.

Organisé par le groupe Richemont, qui possède notamment Cartier et IWC, il s’est progressivement ouvert aux maisons indépendantes. Une ouverture toute relative : quand le SIHH se targue d’avoir « débauché » Hermès, Baselworld avait accueilli Samsung en grande pompe. Fidèle à son esprit « foire », le salon bâlois accueille montres mécaniques comme montres connectées.

Une diversité qui fait grincer des dents en Suisse : « les montres connectées ne bouleversent pas l’horlogerie suisse », disait François Thiébaud en ouvrant l’édition 2016, avec un peu de mépris dans la voix. Le président du comité des exposants de Baselworld, qui est aussi le dirigeant de Tissot, salue aujourd’hui la nouvelle formule de Baselworld.

« Nous nous concentrons […] sur le noyau de ce qui fait notre industrie », dit-il. Karl-Friedrich Scheufele, le coprésident de Chopard, ne dit rien d’autre lorsqu’il parle d’un salon « plus cohérent et plus concentré ». Baselworld est peut-être trop grand, sans doute trop cher, mais assurément le terrain d’une réaction — dans les deux sens du terme — de l’industrie.

« Vous n’achetez pas une montre parce que vous avez besoin de l’heure, vous achetez une montre parce que vous la trouvez belle, parce qu’elle marque un statut, parce qu’elle vient avec une histoire… », nous disait Guy Sémon, le directeur général de Tag Heuer. « On a des gens qui vendent des produits sur la base d’une émotion », ajoutait-il en parlant des maisons suisses, alors que la clientèle des fabricants américains et asiatiques achète « des produits sur la base de leur utilité ».

Entre l’émotion et l’utilité, Baselworld semble avoir choisi. Les spécialistes des machines-outils peuvent aller organiser leur propre salon, les grands groupes américains peuvent faire de la pub sur Instagram, les fabricants d’électronique peuvent continuer à vendre en ligne. Face aux difficultés causées par les fluctuations monétaires et l’émergence d’une nouvelle concurrence, Baselworld veut abriter — dans les deux sens du terme là encore — l’industrie suisse.


avatar lablagueasim | 

Baselworld trop élitiste, ils le prennent en plein dans les gencives, ça devait arriver ?

avatar Bruno de Malaisie | 

Les dinosaures se réveillent un peu tard.
Just saying:)

avatar imatoumi | 

L’horlogerie ? Ha oui mais c’est ce dont on se servait au siècle dernier pour savoir l’heure et qui sert aujourd’hui de bijoux

avatar Espcustom | 

Juste retour de manivelle non? Mais bon le SIHH est pour l’instant aussi assez élitiste. Pas prêt d’y retrouver le swatch group par ex.

Baselworld a ses défauts mais c’est un vrai salon (foire?) où l’on trouve tout ce qui touche à l’univers de l’horlogerie au sens large.

avatar sambucus | 

@Espcustom

Justement "plus tout…".

avatar deltiox | 

@Espcustom

Le swatch group fabrique les mouvements ETA
Je suis prêt à parier que des exposants du SIHH utilisent des mouvements ETA

avatar lecureuil | 

Comme d’habitude les médias en font un peu trop...
Il y aura toujours une clientèle riche pour s’acheter des montres avec de belles mécaniques suisses

avatar getz35 | 

Pour ma part j'y vais tous les ans lécher les vitrines ?

avatar sambucus | 

Ouais ! Ils sont devenus tellement gourmands qu'ils ont fait une indigestion. Entre gens du monde, on fait comme si…. Les autres ont quitté la table, dégoûtés jusqu'à la nausée. Lamentable, mais tellement smart !

avatar occam | 

Il y a plein de tireurs embusqués qui font carton sur la pauvre BaselWorld.

On oublie un peu vite que la voilure réduite de l'édition 2018 était annoncée dès le mois de mars 2017, alors que les pontes de l'horlogerie suisse tenaient encore des propos lénifiants.

(Pour la petite histoire, le studio que je loue quand je travaille à Bâle était régulièrement réservé deux ans à l'avance pour la BaselWorld, qui est en collision avec des séminaires auxquels je prends part tous les ans. Eh bien, plus en 2018 : le studio est disponible, et le tarif a même baissé. Le représentant genevois qui le louait pour chaque BaselWorld a déclaré forfait.)

On oublie ensuite des événements hors de Suisse, tels que Watches & Wonders à Miami, qui se tiendra en février 2018, et qui ont aussi vocation à souffler des participants, surtout parmi les indépendants qui n'évoluent pas encore sous l'aile protectrice d'un groupe comme LVMH, et qui doivent bien calculer leur mise : Bâle ou Cuba Libre, il faut choisir.

Autre point dont on ne parle pas encore trop à l'extérieur de la Suisse, la droite populiste et l'extrême-droite font campagne pour que l'état, le canton de Bâle en l'occurrence, réduise ou mette fin à sa participation à la BaselWorld. Participation qui en fait est de l'ordre de l'investissement dans l'infrastructure locale, mais que l'extrême droite aime bien caricaturer comme une subside publique aux ploutocrates (suivez mon regard, nudge nudge, wink wink). Peu importe si le grand patron de cette même droite est désormais la dixième fortune de Suisse.

avatar pariscanal | 

@occam

Et donc ?

avatar occam | 

@pariscanal

"Et donc ?"

Et donc je suis d'avis qu'il faut détruire Carthage,
Réduire les Phéniciens pour venger cet outrage !

avatar watatzor | 

@pariscanal

Bonne question mon cher !

avatar romain_g | 

Ils me font marrer les gens qui pensent que L’horlogerie suisse est en crise à cause de l’Apple Watch. Gros lol.

avatar thebarty | 

@romain_g

Moi, j’ai lu l’article et il n’y a pas une seule référence à l’AW.
Gros troll !

avatar misterbrown | 

Mais qu'est ce qu'on en a foutre de Baselworld?!?

Vous faites cet article car Apple a sorti un produit qui s'appelle Apple Watch ?

avatar misterbrown | 

À quand un article sur les salons médicaux?

Ou sur Maison et Objet qui se tient à Villepinte ?

avatar Macbook31 | 

@misterbrown

Si cela ne t’interesse pas, tu lis pas../

Moi ça m’intéresse. Merci de respecter.

avatar occam | 

@misterbrown

"Maison et Objet qui se tient à Villepinte ?"

Villepinte, l'unique objet de mon ressentiment !
Villepinte, où l'horloger vient d'immoler mon toquant !
Villepinte, abritant un salon que de tout coeur j'abhorre !
Villepinte, que je hais parce qu'on y est pécore !

avatar airmax95 | 

Voilà ce que c est de faire des prix prohibitifs y compris l entrée à ....50€!! De tripler le prix des stands , des hôtels etc etc. Faut pas prendre les gens en otage et surtout pour des cons !

avatar Thegoldfinger | 

Depuis Quand on marque un statut avec une TAG HEUER ???

avatar Kensei68 | 

@ deltiox :
En effet, un nombre non négligeable de ces acteurs du luxe suisse ne sont que (ou sont aussi, c'est selon) des emboiteurs. Beaucoup de leurs modèles sont TRES sur-cotés...
Cela-dit, les mouvements ETA restent de plutôt bonne facture. Ils sont à l'horlogerie ce que MASSEY-FERGUSON est à l'automobile : rustiques, mais indestructibles.

@ airmax95: Ça c'est malheureusement vrai pour tous les gros salons, tous domaines confondus.

@ Thegoldfinger: à une époque pas si lointaine c'était le cas (si, si, rappelle toi l'époque Heuer, ou même TAG HEUER, bref, avant l'arrivée d'Arnault...)

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