À Besançon, SilMach réinvente le moteur des montres pour relancer les montres connectées hybrides

Anthony Nelzin-Santos |

Quatre-vingt-sept ans : c’est l’âge du moteur pas à pas qui toque dans votre montre à quartz. Inventée par l’ingénieur français Marius Lavet, cette technologie est fiable et économique, mais SilMach pense qu’elle a fait son temps. Le pionnier français de la micromécanique sur silicium présente la première montre renfermant son nouveau micromoteur PowerMEMS, TheTimeChanger, dessinée par le célèbre Giorgio Galli.

La montre TheTimeChanger. Image SilMach.

SilMach concrétise ainsi vingt ans de recherches… avec six ans de retard. Directeur entre 1996 et 1999 du laboratoire LIMMS de recherche sur les microsystèmes électromécaniques, partagé entre le CNRS et l’université de Tokyo, Patrice Minotti avait fondé sa propre entreprise en 2003 pour industrialiser ces technologies. Les moteurs PowerMEMS avaient marqué le salon du Bourget en 2017, avec la présentation du microdrone Libellule financé par la Direction générale de l’armement et la création d’une joint venture avec le groupe horloger américain Timex, et puis plus rien.

La pandémie est passée par là, bien sûr, les réalités industrielles aussi. L’entreprise française, maintenant dirigée par Jean-Baptiste Carnet et Pierre-François Louvigné, a dépensé six millions d’euros pour concevoir une ligne de production « pilote ». Outre le soutien de Timex et du programme de recherche en micromécanique Next Watch de l’institut Femto-ST, SilMach a pu compter sur 3,8 millions d’euros de fonds européens FEDER apportés par le biais de la région Bourgogne-Franche-Comté, puisque l’entreprise est installée à Besançon, la capitale française de l’horlogerie.

Les micromoteurs PowerMEMS ne comportent que cinq pièces, dont deux en silicium, le « cœur » et la roue. Image SilMach.

Comme ils entrainent directement les aiguilles et comportent moins d’une demi-douzaine de pièces, les micromoteurs PowerMEMS simplifient considérablement l’architecture des tocantes électroniques. La montre « TheTimeChanger » est une belle preuve de concept : la fréquence élevée du micromoteur donne l’impression que les aiguilles en aluminium glissent sur le cadran, sa précision et sa résistance au magnétisme maintiennent la dérive sous la demi-seconde par jour, sa frugalité lui permet de se contenter d’une pile CR2320 tous les dix ans.

L’aiguille des minutes est rétrograde, c’est-à-dire qu’elle revient en arrière à la fin de l’heure, pour illustrer la réversibilité du micromoteur. Timex prête les locaux de sa filiale bisontine Fralsen, mais aussi son designer star Giorgio Galli, qui allie l’acier du boitier et le laiton du cadran pour former une montre de 42 mm sur le poignet et 64 g sur la balance. Le verre en saphir antireflet légèrement bombé porte l’épaisseur à 11 mm. Le bracelet en cuir est fourni par la manufacture Jean Rousseau, établie à Pelousey depuis 1954, et muni d’une boucle déployante en acier.

Les boutons-poussoirs déclenchent des démonstrations des capacités du micromoteur PowerMEMS, comme un mouvement de double balancier synchronisé des aiguilles et un fonctionnement accéléré qui transforme l’aiguille des heures en aiguille des minutes et l’aiguille des minutes en aiguille des secondes. Vidéo SilMach.

TheTimeChanger est proposée sur Kickstarter en édition limitée à 1 088 exemplaires, soit le nombre de « cœurs » de micromoteur que l’on peut tirer d’un wafer de silicium, au prix de 1 850 €. « C’est l’occasion de prendre part à cette révolution horlogère et de devenir l’un des rares propriétaires d’une pièce unique d’horlogerie », affirme SilMach, ou bien d’attendre que cette technologie se démocratise, ajouterons-nous. La ligne pilote, qui peut produire jusqu’à 300 000 micromoteurs par an, doit préfigurer des installations capables de produire par millions.

SilMach devra donc convaincre au-delà du monde de l’horlogerie — elle cible l’instrumentation scientifique, le matériel médical, l’optique et l’optronique, ou encore les applications militaires et spatiales. Reste qu’il s’écoule plus d’un milliard de montres électroniques chaque année, un marché doucement grignoté par des montres connectées de plus en plus abordables. La technologie PowerMEMS pourrait relancer les montres « hybrides », ces montres connectées à aiguilles, tout en permettant la relocalisation de leur production.

La production des « cœurs » sur un wafer de silicium à Besançon. Image SilMach.

Deux fois plus fins et deux fois plus petits que les meilleurs moteurs Lavet, les micromoteurs laissent plus de place aux capteurs biométriques et aux batteries. Surtout, ils peuvent être assemblés par une machine, comme n’importe quel autre composant monté en surface, alors que les moteurs traditionnels doivent être vissés à la main. La main-d’œuvre pourrait ainsi être réduite — c’est le point qui avait condamné l’expérience de la « manufacture » Withings, qui se contentait d’assembler couteusement des composants fabriqués en Chine, à l’exception des cadrans personnalisés.

Or Éric Carreel, le président fondateur de Withings, suit les travaux de SilMach avec grande attention. Outre Timex qui rêvait de produire des dizaines de millions de micromoteurs chaque année, le groupe Fossil et Garmin ont fait part de leur intérêt, et Besançon n’est pas bien loin de la frontière suisse. TheTimeChanger est la première montre renfermant des micromoteurs PowerMEMS, gageons qu’elle ne sera pas la dernière.


avatar MGA | 

L’aspect est ultra classique pas moins épais… la techno est top mais l’enrobage ne reflète pas l’innovation.

avatar vicento | 

Le site internet est down

avatar TDBI | 

C’est la fin du monde 😱

avatar Espcustom | 

Si on veut de l’innovation horlogère on peut aussi aller chez grand Seiko avec son spring drive

avatar MGA | 

@Espcustom

Grand Seiko a créé un hybride pour essayer de rapprocher le meilleur des deux mondes. Là on parle de l’application horlogère d’un nouveau produit, un changement radical de la partie moteur, c’est réellement une innovation. Mais le moteur n’est qu’une toute petite partie d’une montre et la forme me paraît très conservatrice, en décalage avec l’intérieur où les avantages de cette techno ne transparaissent pas au premier coup d’œil.

avatar House M.D. | 

@MGA

Je vous trouve bien dur avec le Spring Drive… réussir à contrôler électro-magnétiquement un mouvement entraîné par ressort grâce à un circuit électronique assez économique pour être alimenté par ce même mouvement, c’est quand même une prouesse de taille !

avatar gillesb14 | 

@House M.D.

J’ai une Seiko Kinetic de 1998!
Pas de pile mais un condensateur et elle garde l’heure en mémoire.
25 ans et elle fonctionne parfaitement.
J’adore la réveiller et voir les aiguilles et la date revenir après l’avoir secoué un peu.
Je ne risque pas d’acheter une brique Apple pour avoir un truc moche et qui dur 3 ans !

avatar House M.D. | 

@gillesb14

Pas exactement le même principe que la Spring Drive, le système Kinetic utilisait une petite dynamo montée sur un balancier pour recharger un accumulateur, qui lui-même alimentait un mouvement à quartz « standard »… mais ce sont des mouvements amusants aussi 😉

Pour ce qui est des différentes « églises », je les embrasse toutes, et vogue de l’une à l’autre selon mes envies : beaucoup d’automatiques (Breitling, Omega, Bell&Ross, Baume & Mercier,…), une Spring Drive (Grand Seiko SBGC201), quelques quartz à aiguilles (Casio, Michel Herbelin), à écran (Casio), et des smartwatches (Casio Rangeman, AppleWatch 0/2/3/5/7/Ultra)…

Conclusion : être sectaire, c’est se fermer des portes et des idées, c’est dommage… après bien entendu il faut faire selon ses moyens aussi, personnellement j’ai eu la chance d’avoir un père fan de montres… 😉

avatar MGA | 

@House M.D.

Mea culpa c’est effectivement une sacrée prouesse.
C’est un travail formidable, mais à mon sens c’est plus une forme d’aboutissement qu’une innovation pure, et ça n’enlève rien à la prouesse.

avatar House M.D. | 

@MGA

👍 20 ans de mise au point, si je me rappelle bien l’historique… avec des quartz choisis à la main dans leur propre usine pour avoir les plus économes en énergie 😉

avatar MGA | 

@House M.D.

Plus que ça… ça date des années 80.
Edit : à priori 1986 en version commerciale alors en labo…

avatar House M.D. | 

@MGA

Je pense que comme pour la réponse plus haut, il y a confusion entre Kinetic et Spring Drive 😉 Le Spring Drive est sorti en premier en 2004, sur le calibre 9R65 de Grand Seiko. Le premier proto fini a été dévoilé en 1999, et la première idée date de 1977. Tout est parti de l’idée de Yoshikazu Akahane, qui a mis plus de 20 an à concrétiser l’idée 😉

Là où Kinetic fait tourner un rotor qui recharge une batterie pour alimenter un mouvement quartz, Spring Drive n’utilise aucune batterie, juste un ressort comme dans un mouvement classique. Ils remplacent l’échappement sensé réguler le mouvement par un électro-aimant, qui fait varier la vitesse de la roue entraînée par le ressort grâce à une électronique elle-même alimentée par la détente progressive du ressort.

En fait l’idée est vraiment surprenante au début, on se demande par quelle sorcellerie ils arrivent à alimenter un circuit avec une énergie aussi faible qu’un ressort de montre automatique. Je n’y croyais pas et ne donnais aucun intérêt à Grand Seiko jusqu’à ce que mon père m’en parle il y a près de 5 ans, croyant comme beaucoup que c’était une version renommée du Kinetic. Mais non, c’est totalement différent, et relativement bluffant !

avatar MGA | 

@House M.D.

Dans mon esprit il n’y a pas de confusion mais plus une fusion :-) je perçois le Spring Drive comme l’évolution « ultime » du Kinetic. Les technologies sont différentes mais l’Idée et la Vision sont très proches, l’un représente l’aboutissement de l’autre.
C’est peut-être historiquement et chronologiquement faux comme raisonnement…

avatar gillesb14 | 

@MGA

Suis pas tout à fait d’accord, une doing drive s’arrête comme une automatique au bout de deux ou trois jours une kinetic Jamais.
Au bout d’un an de veille elle avait dérivé de quelques minutes. Mais la date était bonne et l’heure aussi !!!

Et pour en revenir au sujet le designer de cette montre passe complètement à côté du truc.
Il pouvait faire une montre ultra fine comme un Skagen et il fait une brique????

Le rêve serait ce mouvement avec un écran eInk et du BT low power.

avatar House M.D. | 

@gillesb14

L’idée est intéressante en effet, à creuser… mais je me demande si la puissance demandée par un LCD monochrome n’est pas tellement insignifiante qu’un e-ink aurait un quelconque intérêt… ou alors sans affichage des secondes?

avatar MGA | 

@gillesb14

« Et pour en revenir au sujet le designer de cette montre passe complètement à côté du truc.
Il pouvait faire une montre ultra fine comme un Skagen et il fait une brique???? »
Oui voilà.. c’est de là qu’on partait. 👍

avatar gillesb14 | 

@House M.D.

Petite correction dans la kinetic c’est un condensateur qui maintient le quartz en service et pas une batterie. Donc la durée de vie est quasi infinie car pas de détérioration chimique.
La Spec dit 5 ans en veille. j’ai pu tester un an du fait de mon divorce 😃 Et c’est bluffant de la voir se réveiller après hibernation !
Je suis moins bluffé par le Spring drive même si comme je réside au Japon je pense m’en acheter une.

avatar House M.D. | 

@gillesb14

Ah, ils ont dû en faire plusieurs versions alors… sur ma Seiko Sportura (la 7L22 pour être précis), qui si je me rappelle bien est un des premiers chronos de ce type, j’ai bien une batterie intégrée, que j’ai d’ailleurs dû changer il y a un an (elle ne tenait plus que 1h une fois reposée sur une table, et mettait des heures à sortir du mode « fin d’autonomie », où la trotteuse saute toutes les 2 secondes), une Panasonic MT920 pour être précis. Si j’en crois les descriptifs, c’est une batterie lithium-ion, sûrement une des plus petites que j’ai eu l’occasion de voir !

PS : aaaaaah, résident au Japon… ce doux rêve à mes oreilles… même si je sais bien que tout n’est pas rose au pays du soleil levant. Mais l’ayant visité 2 fois en séjour de 2 et 3 semaines, et ayant quelques amis s’y étant installés, ça reste le pays qui colle le plus à ma façon de vivre… profitez-en bien, si bien entendu c’était votre choix ! 😉

avatar Espcustom | 

@MGA

Ah parce que le spring drive n’est pas une innovation ? Vous avez raison, c’est simplement une révolution dans l’horlogerie. Et son seul défaut c’est d’avoir été créé par seiko et non pas par une grande maison suisse.

Dans cette veine j’aime bien aussi le calibre Omega 1270 hybride quartz et mécanique pour la fonction chrono.

Cette silmach reste une montre électronique, l’innovation est dans l’utilisation de l’électronique du moteur qui existe depuis ps mal d’années déjà.

Et si j’ai pensé de suite au spring drive c’est surtout à cause du mouvement de l’aiguille des secondes sans à coups.

avatar MGA | 

@Espcustom

En fait nous sommes d’accord la montre n’est pas innovante. Mais son mécanisme est une innovation. Quand je dis que la montre ne reflète pas l’innovation de son mouvement, c’est ça.
Et Kinetic ou Spring Drive sont certainement des révolutions mais ce sont des hybrides de techno. existantes poussées à leur paroxysme. Toute révolution n’est pas forcement basée sur des technologies innovante, c’est l’Idée, la Vision… et la patience qui priment.
Le smartphone existait avant l’iphone, le multitouch aussi… mais personne n’avait eu la Vision produit d’Apple et surtout les techno. étaient matures à ce moment là (pas comme avec le Newton par exemple)
Le Macintosh est aussi né d’une Vision et de technologies existantes.

avatar sebas_ | 

1 milliards de montre électronique par an?? C’est moi ou ça me semble juste énorme… ça veut dire que 1 humain sur 7 ou 8 en achète une nouvelle tous les ans? 🤔

avatar jopaone | 

@sebas_

Ça me semble aussi exagéré 🤔 , même si les montres électroniques cheap à la Casio doivent encore énormément se vendre

avatar Mageekmomo | 

@jopaone

On ne parle pas que de montres bracelets portées au poignet mais de montres qui peuvent donner l’heure dans d’autres contextes, parfois sans cadran d’ailleurs.

« l’instrumentation scientifique, le matériel médical, l’optique et l’optronique, ou encore les applications militaires et spatiales »

avatar PtitXav | 

10 ans d’autonomie : la montre est cassée avant de changer la pile.

avatar jjacquesA | 

En tant que mouvement d’horlogerie, c’est une innovation qui cherche un problème…. Mais de façon générale les débouchés d’une micro mécanique fiable, précise et économe en énergie sont sans doute infinis

avatar House M.D. | 

@jjacquesA

C’est toute l’idée pour le coup, et l’horlogerie « classique » (ressorts et piles) est depuis des années dans cette tendance : toujours moins consommer, pour toujours plus d’autonomie dans toujours moins d’encombrement. Même les « grosses » montres à complications sont sur cette idée, il y a encore quelques années, les complications accumulées dans certaines montres de poignet ne tenaient que dans une horloge de bureau !

avatar Themasck | 

1/2 seconde de precision par jour , c'est pas top une Casio fait mieux

CONNEXION UTILISATEUR