Faire du sport, n’est-ce pas là la plus grande torture que l’on peut s’infliger à soi-même ? Bien sûr que si. Et plus on se fait du mal, plus on en redemande. Jabra se propose d’assouvir ce masochisme avec les Elite Sport.
Les Elite Sport sont des écouteurs intra-auriculaires Bluetooth. Un marché en plein boom, avec Apple dans le rôle du grand méchant loup. Jabra ne s’adresse cependant pas tout à fait à la même cible que les AirPods. Le constructeur danois a bien l’intention de s’installer dans les oreilles des plus sportifs, avec des arguments qui font plus que tenir la route… mais gare aux nids de poule. Test.
Porter
Jabra a mis les petits plats dans les grands. Les écouteurs sont ainsi fournis avec trois paires d’embouts en silicone et trois autres paires en mousse à mémoire de forme pour s’adapter à un maximum de conduits auditifs. La boîte contient également trois paires d’EarWings, des ailettes qui maintiennent les écouteurs dans le pavillon.
On peut ne pas apprécier les intra-auriculaires, qui sont parfois difficiles à insérer dans l’oreille et qui présentent aussi des problèmes de maintien. Je fais partie de ces personnes qui ne troqueraient pour rien au monde (sauf en cas de test, évidemment !) le format bouton des écouteurs Apple pour des intras. Mais on ne peut pas reprocher à Jabra la prodigalité des options pour les oreillettes et les embouts de ses écouteurs.
Après quelques essais, les Elite Sport ont fini par trouver leur place presque naturellement dans mes oreilles ! Et les écouteurs s’y tiennent remarquablement bien, malgré des mouvements de tête parfois brusques. Les écouteurs pèsent 7 grammes chacun, autant dire pas grand-chose même si les AirPods sont encore plus légers (4 grammes). On pourra néanmoins les trouver un peu encombrants une fois dans les oreilles. Ils sont assez visibles, mais pas de la même façon que les AirPods : ici pas de tige blanche, mais un gros bouchon noir qui remplit bien l'oreille.
Les Elite Sport sont bien adaptés à une pratique sportive, moins pour la vie de tous les jours malgré les efforts de Jabra pour faciliter un usage « urbain ». De ce point de vue, ils se montrent moins polyvalents que des AirPods que l’on peut porter pour le sport, mais aussi au quotidien. Mine de rien, cette polyvalence est un critère important pour un produit qui coûte 300 € : ces écouteurs se destinent réellement plus aux sportifs. Ceux qui passent beaucoup de temps à suer vont rentabiliser plus facilement et plus rapidement l’achat.
Écouter
Puisqu’on en est là, évoquons le principal point noir matériel des Elite Sport : leurs boutons. Chaque écouteur en comprend deux qui servent à différents contrôles, et il y en a un bon paquet : gestion du volume, piste suivante/précédente, contrôle de la musique et des appels, lancement de Siri, activation/désactivation de la fonction HearThrough… Pas besoin de sortir l’iPhone pour la plupart des commandes donc, mais tout cela nécessite un petit apprentissage.
Le gros problème, c’est que ces boutons sont très durs. Il faut quasiment les pousser avec l’ongle pour qu’ils répondent, un effort tellement peu agréable qu’il en devient vite pénible. On a tôt fait de chercher l’iPhone plutôt que de se faire mal à l’oreille à force de triturer les boutons des écouteurs (sans oublier qu’on peut se planter dans les manipulations).
Une fois activée, la fonction HearThrough laisse passer une certaine dose de bruits environnants. C’est utile lors d’un jogging en milieu urbain pour éviter les accidents, mais aussi pour entendre ce que vos contemporains vont vous demander, mais dans ce dernier cas je trouve plus pratique de tout simplement retirer un écouteur. À ce propos, le fait d’enlever un écouteur ne coupe pas la musique, et le remettre dans les oreilles ne relancera pas la lecture non plus. Des fonctions qu’il est difficile d’abandonner après en avoir profité avec les AirPods.
En plus de la fonction HearThrough, Jabra a pensé à ceux qui veulent à la fois écouter un peu de musique pendant leur effort sportif, tout en restant en priorité à l'affût de ce qui se passe autour d'eux (cela peut être le cas des cyclistes, par exemple). L’écouteur droit est capable de diffuser seul de la musique, en mono évidemment. Un choix malin puisque c’est cet écouteur qui pilote les fonctions « intelligentes » comme l’activation du HearThrough, les appels entrants ou le lancement de l’activité sportive.
La qualité audio des écouteurs de Jabra est tout à fait correcte, la restitution offre pas mal de détails et les basses sont convaincantes même si on aurait aimé qu’elles soient un peu plus présentes. L’application permet de modifier l’égaliseur avec un système de molette ou un graphique, mais pas de pré-réglages : il faudra donc y aller un peu au jugé.
La réduction de bruit passive exploite les quatre microphones des écouteurs afin de réduire les nuisances sonores ambiantes. Elle permettra de mieux profiter de sa musique qu’avec l’option HearThrough activée ; celle-ci a, assez logiquement, tendance à « étouffer » la musique sous une couche de bruit urbain. Il est vrai aussi que quand on court en extérieur, la qualité audio n’est pas nécessairement la plus importante des préoccupations : il faut surtout être attentif à ce qui se passe autour de soi.
Pour les amateurs de salles de sport, cette préoccupation est moins importante évidemment, et la qualité audio des Elite Sport satisfera largement la grande majorité des utilisateurs (les audiophiles iront sans doute voir ailleurs). Les écouteurs sont certifiés IP67 : ils résisteront à la sueur et c’est heureux, mais ils sont aussi étanches jusqu’à 1 mètre.
En matière d’autonomie, Jabra annonce 4,5 heures sur une seule charge, avec en sus deux recharges supplémentaires avec le boîtier fourni (beaucoup plus imposant que celui des AirPods), soit 13 heures en tout. De quoi voir venir, ce d’autant que ces écouteurs ne seront réellement utilisés que pendant le sport. Pendant mes tests, je n’ai jamais eu à subir de coup de la panne de la part des Elite Sport : ils ont toujours répondu présents, même après une semaine sans recharge du boîtier (à raison d’un jogging de 30 mn environ chaque jour).
Suer
Voilà qui nous amène tout naturellement à parler de l’usage principal des Elite Sport : le… sport, évidemment. Les écouteurs intègrent un capteur de mouvements et un cardiofréquencemètre. Grâce aux capteurs supplémentaires de l’iPhone (le GPS en particulier), ils peuvent mesurer assez finement la performance du sportif. C’est du moins la promesse de Jabra, même si les résultats pour une même course avec les écouteurs et une Apple Watch sont parfois différents.
Le lancement de la course sur les deux appareils est un peu décalé dans le temps, ce qui peut expliquer la différence. Mais il est aussi très probable que les écouteurs soient beaucoup plus précis que l’Apple Watch : après tout, le cardio est à l’intérieur des oreilles, plus près des battements du cœur qu’une montre sur le poignet. En revanche, on ne s’explique pas l’écart calorique : 590 kcal d’un côté, 442 de l’autre. L’effort a pourtant été le même…
L’application de Jabra est plus complète qu’Activité : on y retrouve ainsi des informations comme le rythme cardiaque minimum et maximum, la cadence moyenne, une analyse plus détaillée de l’effort… L’application Santé sait aussi livrer plus d’informations, mais il faut aimer fouiller dans un tableur.
Le coach sportif est un des atouts de l’application de Jabra. Régulièrement, on l’entend énoncer le nombre de kilomètres parcourus, la cadence, le temps… Le tout avec une voix robotique qui gagnerait à être plus fluide, mais cela permet au moins d’être tenu au courant durant la course et d’adapter son rythme. Idéal pour pousser l’effort un peu plus loin à chaque fois. L’Apple Watch « toque » au poignet au passage de chaque kilomètre et affiche bien sûr des informations sur son écran, mais l’entendre de vive voix est beaucoup plus motivant.
L’app Jabra permet bien sûr de lancer plusieurs types de sport. Il y a du cardio (course, tapis, vélo, skate, ski, spinning, randonnée…) mais aussi des activités de salles de sport : exercices de musculation et fitness, pour lesquels l’app propose des vidéos afin d’apprendre les bons gestes. On peut créer son programme et définir les répétitions et les temps de repos. L’application sait même compter automatiquement les répétitions, mais il faudra être aussi régulier que possible dans ses mouvements.
L’application comprend plusieurs tests afin de déterminer sa condition physique (test VO2max), son endurance (test de Cooper), sa fréquence cardiaque au repos ou encore un test orthostatique pour savoir si on se surentraîne.
Le test VO2max consiste par exemple à courir pendant un minimum de 15 minutes à une fréquence haute. Les résultats de ces tests, ainsi que les entraînements qu’on effectue par ailleurs, permettent à l’application de donner une évaluation de la condition physique (« bonne », « moyenne »…) ainsi qu’une note qui pousse à faire toujours mieux. On trouve même une évaluation du temps pour les principales distance (5K, 10K, semi et marathon).
Jabra permet aussi de créer son propre entraînement cardio selon le niveau d’amélioration souhaitée. Le programme ajustera les exercices selon l’intensité de l’entraînement et les besoins de récupération du corps. Difficile de donner un avis définitif sur l’efficacité de ce programme durant ces quelques jours de test.
L’application conserve bien sûr l’historique des entraînements, sans toutefois offrir de tableau de bord quotidien. Il faut compter soi-même les calories perdues chaque jour, ce qui n’est pas un problème si on ne réalise qu’un seul exercice comme une course. Mais pour ceux qui ont l’habitude de s’entraîner le matin et le soir (un jogging puis un tour en salle par exemple), il n’existe pas de panorama regroupant toutes les activités (Apple fait ça très bien avec les différents cercles de couleur de sa montre).
Ça ne devrait pas être très compliqué à mettre en place, ce d’autant qu’on retrouve cette information dans l’onglet Performances… mais par activité et sur un rythme hebdomadaire. Allez ! Encore un petit effort Jabra… Cet onglet liste aussi les meilleurs scores réalisés au fil des entraînements, ils font en quelque sorte office de trophées.
Cette richesse de possibilités et d’options est bienvenue, et on sait gré à Jabra d’expliquer la plupart d’entre elles dans un bon français et avec des vidéos pour les exercices. Mais malheureusement l’application reste assez brouillonne avec des menus dans tous les sens, une ergonomie compliquée et une interface loin des canons esthétiques d’Apple. Pire encore, l’app n’est pas adaptée aux grands écrans des iPhone “Plus”, ce qui en 2017 est difficile à pardonner.
Jabra n’a toujours pas développé d’app pour Apple Watch. Ce n’est pas un drame en soi, mais c’est vrai qu’on aurait aimé pouvoir lancer un exercice dans Jabra Sport depuis le poignet, plutôt que de devoir l’activer avec l’iPhone. Ce dernier n’est pas forcément accessible facilement quand on est en plein effort. Un des boutons de l’écouteur droit permet bien de lancer une activité, mais il faudra utiliser l’iPhone pour plusieurs exercices à la suite, à moins de créer un entraînement.
Le constructeur a aussi fait le choix de ne pas exploiter HealthKit : les données récoltées par les écouteurs ne seront donc pas versées au pot commun de Santé. À la place, Jabra a préféré signer des partenariats avec des éditeurs tiers, dont Strava, Runtastic, MyFitness et RunKeeper. Ces applications peuvent piocher dans les données mesurées des Elite Sport pour remplir leurs bases de données.
On comprend l’intérêt de Jabra de nourrir des liens avec ces éditeurs, mais pour l’utilisateur investi dans l’écosystème iOS, c’est un peu dommage. Pourquoi réinventer la roue quand HealthKit est disponible et accomplit plutôt bien son boulot ?
Pour conclure
Comme leur nom l’indique, les Elite Sport sont des écouteurs destinés aux plus sportifs. Légers, possédant une bonne autonomie, rompus à un maximum d’activités (pas uniquement le jogging), pas spécialement encombrants et proposant un rendu sonore très correct, ils seront des compagnons de torture tout à fait efficaces. Le petit point noir en ce qui me concerne — mais cela pourra convenir à d’autres —, c’est la dureté des boutons de contrôles.
La principale réserve réside en fait dans le logiciel. L’application est certes complète, mais elle mériterait d’être revue de fond en comble au niveau de son interface et de son ergonomie. L’absence de compatibilité avec HealthKit et d’un compagnon pour Apple Watch enfoncent des coins dans la bonne impression générale du produit. Cette intégration a minima dans l’écosystème iOS est d’autant plus difficile à avaler pour des écouteurs qui ne sont pas spécialement bon marché. Pour le prix demandé, on est en droit d’exiger un support au petits oignons de sa plateforme de prédilection.
Il n’y a là rien de rédhibitoire cependant, ces problèmes pouvant être résolus par le biais de mises à jour logicielles. Il y a matière à espérer du mieux dans ce domaine, Jabra étant très réceptif aux suggestions, et bien décidé à mettre le paquet pour séduire les utilisateurs iOS. Ce qui pouvait être un excellent produit parfaitement adapté aux sportifs n’est qu’un bon appareil en attente d’améliorations logicielles.