L'Apple Watch rêvée : plus indépendante, plus sportive et plus thérapeutique

Mickaël Bazoge |

Cela aura pris du temps, mais avec la Series 4 de sa montre connectée, Apple a trouvé le bon tempo : un « grand » écran lisible, une autonomie convenable, des performances suffisantes pour répondre efficacement aux besoins de l’utilisateur. La base est désormais bien installée, mais il reste à l’Apple Watch le plus difficile : se rendre complètement indispensable.

Le constructeur californien a lancé l’Apple Watch comme un plat de spaghettis contre un mur : les morceaux qui y sont restés collés ont été gardés. Apple a conservé une partie de l’héritage des prétentions passées (la partie « horlogère », l’aspect communication « intime »), en resserrant les fonctionnalités de sa montre à une poignée de domaines : la connectivité, le suivi sportif et la santé.

Et c’est certainement dans ces trois secteurs qu’Apple va amplifier ses investissements. Les services et les « wearables » — Apple Watch et AirPods — font en effet partie de la solution qui permettra au constructeur de rebondir alors que les ventes d’iPhone sont en phase d’atterrissage. Reste à savoir jusqu’où Apple est prête à aller.

Une Apple Watch vraiment autonome

Avec iOS 5, l’iPhone a coupé le cordon ombilical qui le maintenait dépendant d’iTunes. Depuis 2011, plus besoin de connecter le smartphone à un Mac ou un PC, il est possible de configurer l’appareil sans l’aide d’un ordinateur tiers. Quatre ans après son lancement, l'iPhone gagnait sa liberté.

L’Apple Watch, dont la première génération (la « Séries 0 ») a été lancée en 2015, fêtera ses quatre ans cette année. Alors, pourquoi ne pas imaginer une montre qui, à son tour, deviendrait complètement autonome vis-à-vis de l’iPhone ? Comme avec le smartphone, il suffirait de se connecter à un réseau Wi-Fi pour lancer la configuration initiale de l’Apple Watch, et éventuellement y restaurer une sauvegarde stockée dans iCloud.

L’Apple Watch a d’autant moins besoin d’un iPhone compagnon que le mode de récupération de la montre n’est accessible qu’aux réparateurs agréés (le connecteur six broches est caché et il faut un boîtier spécifique réservé aux centres de réparation d'Apple — situé aux Pays-bas chez nous — et dont les Apple Store ne sont toujours pas équipés). Avec un iPhone ou un iPad, on peut réaliser l’opération soi-même, avec l’aide d’iTunes (il faut un ordinateur) et un peu d’huile de coude.

Le boîtier qui permet de « flasher » une Apple Watch n'est pas disponible pour les Genius des Apple Store : l'opération ne peut être faite que dans les centres de réparation centraux.

Rien ne changerait avec une Apple Watch complètement autonome : pour récupérer une unité « briquée », il faudrait nécessairement se rendre dans un Apple Store. En dehors de ce cas très spécifique, la montre connectée aurait tout à gagner à couper le fil (virtuel) avec un iPhone. Du point de vue d’Apple, ce serait même tout bénéfice : en faisant sauter le préalable de l’iPhone, l’Apple Watch pourrait se retrouver autour de davantage de poignets !

Il serait en effet plus facile de vendre des Apple Watch si celles-ci n’ont pas besoin d’un iPhone lors de leur configuration initiale. À l’heure où les ventes d’iPhone baissent et alors qu’Apple cherche à maximiser les revenus de ses produits vestimentaires, l’argument pourrait faire mouche…

En 2015, Karl Lagerfeld n’avait même pas pris le temps de configurer son Apple Watch en or élégamment offerte par Apple.

Pour l’utilisateur, le processus de configuration serait aussi plus simple. On ne va pas se le cacher, les premiers pas avec l’Apple Watch ne sont pas aussi agréables qu’Apple voudrait le faire croire ; le coup de la reconnaissance du « nuage de points » entre le smartphone et la montre est sympa, mais la suite est moins réjouissante, il faut prendre son mal en patience avant de profiter de sa montre. Et ne pas s’inquiéter si le processus semble bloqué !

Depuis watchOS 4, la procédure de jumelage est simplifiée entre l’Apple Watch et l’iPhone.

L’Apple Watch est déjà en mesure d’accomplir de nombreuses tâches toute seule comme une grande. Les applications Musique et Podcasts peuvent ainsi embarquer leur propre contenu pour une écoute hors connexion (c’est d’autant plus facile que la montre emporte 16 Go de stockage). watchOS 5 permet aussi de choisir depuis la montre de nouvelles villes dans l’app Météo, des fuseaux horaires supplémentaires dans Fuseaux et des entreprises cotées dans Bourse.

L’app Podcasts.
L’app Météo permet de choisir une ville depuis l’Apple Watch.

Mieux, il est possible de sélectionner un réseau Wi-Fi autre que celui de l’iPhone, et le système a même installé dans la montre un navigateur web presque complet !

Griffonner le mot de passe d’un réseau Wi-Fi n’est pas l’opération la plus simple, mais c’est possible, surtout sur les écrans plus grands de la Series 4…

Et puis il y a la connexion cellulaire, qui permet de recevoir et d’envoyer des messages et des appels, d’écouter de la musique en streaming, d’utiliser des applications de manière autonome. Certes, cette connexion est intimement liée au forfait utilisé sur l’iPhone. La démocratisation des forfaits eSIM, grâce aux iPhone XS/XR, permettrait à l’Apple Watch de bénéficier à son tour de ses propres abonnements.

Bien sûr, l’iPhone resterait nécessaire pour un certain nombre de tâches. Ne serait-ce que pour télécharger de nouvelles applications… Malgré tout, Wear OS propose de naviguer et de récupérer des apps directement depuis le poignet. Alors pourquoi pas, un jour, un accès à un App Store optimisé pour l’Apple Watch directement depuis elle ?

Coup d’œil dans le Play Store depuis la TicWatch Pro.

Malgré des écrans plus grands, on sent bien qu’un appareil compagnon reste nécessaire pour modifier et personnaliser certains réglages. Rien n’empêcherait Apple de proposer le jumelage de sa montre avec un autre appareil que l’iPhone : l’iPad pourrait également être un hôte tout à fait compétent à une Apple Watch indépendante. Et pourquoi pas l’hypothétique futur iPod touch ?

Soyons fou et allons jusqu’au bout de la logique : à l’instar d’Apple Music sur Android, Apple pourrait avoir dans ses labos une version Android de l’application Apple Watch. Ce qui permettrait aux centaines de millions d’utilisateurs de smartphones de profiter (et d’acheter) de la montre… Après tout, Apple a bien offert AirPlay 2 et iTunes aux téléviseurs Samsung, alors on peut tout imaginer.

On s’en voudrait pour clore ce chapitre de ne pas citer une fonction qui permettrait à l’Apple Watch de s’émanciper de son statut de montre connectée, pour devenir une montre à part entière : l’affichage de l’heure en continu !

Ce serpent de mer montre sa tête régulièrement depuis 2015. L’Apple Watch devrait être en mesure de toujours présenter l’heure sur son écran, quitte à ce que l’interface du cadran soit réduite à sa plus simple expression pour consommer le moins d’énergie possible. C’est une fonction devenue banale sur les montres des plateformes concurrentes, alors pourquoi pas sur celle d’Apple ?

Une Apple Watch encore plus sportive

Apple continue de mettre le paquet sur le suivi de l’activité physique et sportive de l’utilisateur ; watchOS 5 a inauguré plusieurs nouveautés dans ce domaine, comme des fonctions avancées pour la course (kilomètre glissant, alerte de rythme, cadence par minute) ou la détection automatique d’exercice.

Malgré tout, il est possible d’aller plus loin encore, par exemple en ouvrant la possibilité de lancer des défis d’activité à plusieurs concurrents. Actuellement, cette fonction se limite à un concours contre une seule personne (lire : Astuce watchOS 5 : lancer et gagner un défi Activité).

Dans un défi d’activité, il faut amasser des points pendant 7 jours, en fonction du remplissage des anneaux.

Si watchOS 5 a ajouté la prise en charge du yoga et de la randonnée, les exercices de musculation sont toujours considérés comme des activités « autres ». L’Apple Watch ne sait pas compter les répétitions (le nombre de fois où l’on soulève un haltère). À la décharge de la montre, ce n’est pas évident : comment mesurer le mouvement d’un poids avec le bras qui ne porte pas l’Apple Watch ? Pourtant, un tel exploit est possible, le bracelet Vivosmart 3 de Garmin en est bien capable

Le Vivosmart 3 de Garmin compte les répétitions.

Avec l’intelligence artificielle qui infuse dans toutes les activités d’Apple, compter les répétitions de manière à peu près fiable serait, on l’imagine, de l’ordre du possible. Et en tout cas un atout de plus dans la conquête des salles de sport du monde entier.

Restons un instant dans l’ambiance décontractée et sympathique des salles de sport, pour regretter qu’elles ne soient pas plus nombreuses à proposer des machines de torture de gym compatibles GymKit. Depuis avril 2018, les principaux constructeurs de ces équipements (Cybex, Matrix, Schwinn, Star Trac, StairMaster) se sont engagés auprès d’Apple, mais force est de constater que le rythme de renouvellement des machines dans les salles n’est pas spécialement rapide.

Il suffit d’approcher l’Apple Watch d’un équipement compatible pour activer le jumelage entre les deux appareils.

Rappelons le principe de GymKit : il s’agit de jumeler rapidement, via NFC, une Apple Watch à un équipement sportif (il s’agit surtout de tapis roulant). La montre récupère les données mesurées par la machine, qui sont généralement plus précises que celles relevées par l’Apple Watch. Idéal pour ceux qui veulent suivre au plus près leur activité sportive.

Apple a un rôle à jouer dans le déploiement de GymKit, ne serait-ce qu’en listant les salles de sport où se trouvent des équipements compatibles. À l’heure actuelle, c’est au petit bonheur la chance (lire : Machines d'entraînement et Apple Watch : comment profiter de GymKit dès maintenant ?). Mais peut-être que les réseaux de salles de sport veulent réserver les machines GymKit pour leurs emplacements haut de gamme.

Une Apple Watch toujours plus soucieuse de notre santé

L’Apple Watch se présente comme le mouchard idéal du cœur. Son cardiofréquencemètre, qui au passage s’améliore encore sur la Series 4, mesure en effet régulièrement le pouls de l’utilisateur. La montre peut prévenir en cas de rythme cardiaque trop faible ou trop élevé.

Debout les morts !

Disponible depuis le mois de décembre, watchOS 5.1.2 a apporté deux nouveautés majeures : une fonction d’alerte en cas de fréquence cardiaque irrégulière (ce qui permet de détecter un problème de fibrillation auriculaire), ainsi que l’app ECG pour générer un électrocardiogramme.

Ces deux fonctionnalités, considérées comme des dispositifs médicaux, ne sont disponibles qu’aux États-Unis. Apple cherche à obtenir le feu vert des autorités de santé dans d’autres pays, mais c’est un processus qui demande du temps.

Démonstration en vidéo (et en français) de l’app ECG.

Si déjà le reste du monde pouvait obtenir ces fonctionnalités, ce serait un atout indéniable pour l’Apple Watch ! Car les premiers témoignages d’utilisateurs « sauvés » par leur montre ont commencé à apparaitre (lire : Quand l’Apple Watch Series 4 envoie ses premiers utilisateurs à l’hôpital). Même Tim Cook s’est fait le relais d’une telle histoire tout récemment :

N’oublions pas la détection des chutes, disponible pour tous ceux qui ont la chance de posséder une Apple Watch Series 4. Cette fonction, difficile à déclencher si on fait exprès de tomber, est activée automatiquement chez les utilisateurs de plus de 65 ans et une option est disponible pour l’activer à la main.

Le suivi du sommeil fait déjà partie des fonctions que l’Apple Watch est en mesure d’accomplir, sans l’aide d’Apple. De nombreuses applications permettent de mesurer la qualité de ses nuits de manière assez précise. Le constructeur pourrait cependant aller plus loin encore. Après tout, il a mis la main sur le fabricant de capteur de sommeil Beddit et lancé un nouveau modèle.

Le Beddit 3.5 d’Apple.

Mais un premier test circonstancié du nouveau capteur montre qu’il y a encore beaucoup de travail avant d’obtenir quelque chose de fiable, complet et utile (lire : Le nouveau capteur de sommeil Beddit d'Apple est un cauchemar). Un investissement indispensable qui ne ferait pas peur à une société aux poches aussi profondes…

S’il est toujours très difficile de lire l’avenir d’Apple dans ses brevets, certains permettent d’imaginer des fonctions liées à la santé plus évoluées encore. L’un d’entre eux, remontant au premier trimestre 2017, décrivait un astucieux système pour relever la pression artérielle.

Apple songe également à doter sa montre de capteurs UV. Un brevet, dévoilé en novembre dernier, présente un système qui permettrait à l’Apple Watch de prévenir son porteur qu’il est soumis à une dose élevée d’ultraviolets. De quoi prévenir, à terme, les cancers de la peau… ou les coups de soleil !

Beaucoup attendent aussi Apple sur le terrain de la mesure de glycémie. Les systèmes permettant de mesurer le taux de sucre dans le sang reposent sur des techniques invasives : le capteur mesure la glycémie en analysant une goutte de sang provenant généralement du doigt. Sans oublier une gestion logistique contraignante pour les bandelettes et le nettoyage du dispositif.

Le (pas tout récent) glucomètre iBGStar compatible iPhone de Sanofi.

Il existe des solutions moins invasives comme le FreeStyle Libre, qui s’installe sur la peau pendant 14 jours, mais il y a quand même une aiguille. Le Graal dans ce secteur, c’est de trouver une méthode non invasive. Plusieurs rumeurs sont apparues au printemps 2017 selon lesquelles Apple avait développé un capteur de glycémie sans aiguille. Tim Cook en serait même un des cobayes.

Depuis, plus rien sur ce front. Mais le fait de pouvoir mesurer en tout temps, et sans piqûre, son taux de sucre dans le sang est une perspective très séduisante non seulement pour les diabétiques évidemment, mais aussi pour ceux qui veulent réduire leur consommation de sucre dans le cadre d’un régime, par exemple.

L’Apple Watch Series 4 a marqué un tournant, aussi bien en matière de design que de performances. Pour la Series 5, on imagine mal Apple agrandir encore l’écran, et s’il y a des modifications au niveau des formes, ce sera sans doute à la marge. Bien sûr, il faut s’attendre à une nouvelle puce Sx plus puissante, peut-être plus de stockage, mais la montre en a terminé avec les problèmes de réactivité qui plombaient l’expérience sur les précédentes générations.

Maintenant que le matériel est bien établi, Apple peut concentrer ses efforts sur l’après : l’indépendance de la plateforme, ses capacités de suivi physique et sportive, et ses fonctionnalités santé. Comme le Mac a été le hub de notre vie numérique, et l’iPhone le pivot de notre vie mobile, l’Apple Watch doit désormais se placer au centre de notre vie organique. Une gageure, mais Apple a toutes les cartes en main pour y parvenir.


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