L’arrivée du Vision Pro stimule la créativité des développeurs. Finn Voorhees a récemment présenté son application Shortcut Buttons pour visionOS, qui permet de placer des petites tuiles de raccourcis un peu partout chez soi. Un concept pratique pour effectuer certaines actions sans devoir aller chercher une app dédiée.
L’app permet de placer ses raccourcis n’importe où avec un nombre illimité de boutons. Il sera possible de les personnaliser et de les placer dans des endroits pertinents : un raccourci à côté d’une télévision pour l’allumer, un autre activant des minuteurs au-dessus de la gazinière, un troisième pour créer un rappel vers le frigo… De quoi gagner du temps pour gérer son installation domotique, par exemple en baissant la lumière avant de lancer un film.
Un historique des boutons créés est proposé, et on pourra choisir parmi différentes icônes. Shortcut Buttons évite surtout de devoir passer par l’app Raccourcis d’Apple, qui n’a pas été optimisée pour visionOS et qui reste actuellement une simple app iPad. Le développeur y voit un équivalent spatial des widgets sur l’écran d’accueil des iPhone et iPad. L’application est facturée 8,99 € sur l’App Store.
Le Vision Pro est officiellement disponible depuis vendredi dernier, et certains vice-présidents d’Apple en ont profité pour accorder des interviews à différents médias. Wallpaper a pu se rendre à l’Apple Park pour papoter avec Alan Dye, VP des interfaces utilisateurs, ainsi qu’avec Richard Howarth, qui pilote la division Design Industriel.
Richard Howarth explique que le problème de l’isolation lié au concept même de casque a rapidement été identifié, et les équipes ont donc mis les bouchées doubles à ce sujet. L’idée était de rendre l’appareil le plus attractif possible, en évitant un aspect trop « tech » qui aurait pu en repousser certains.
Nous avons délibérément conçu des formes souples, des bandeaux tricotés rembourrés, utilisé de nombreux matériaux flexibles et des textures douces. Ainsi, les gens ne se sentent pas seulement à l'aise physiquement en le portant [le Vision Pro], mais ils apprécient également de le porter en compagnie d'autres personnes.
Les équipes d’Apple avaient bien conscience que le fait de porter un masque en public pouvait rebuter plus d’un potentiel client. L’objectif était donc de créer quelque chose d’agréable à enfiler, ne mettant pas mal à l’aise le porteur ou les gens autour de lui. Cela se traduit par des gestes confortables ne nécessitant pas de faire des mouvements dans les airs, mais aussi par les écrans EyeSight reproduisant les yeux de l’utilisateur. Alan Dye explique :
Nous savions avant tout que si nous couvrions vos yeux, cela vous priverait d'une grande partie de ce qu'il est possible de faire lorsque vous êtes en contact avec les gens. Il était essentiel de trouver la bonne solution pour le concept du produit, car nous voulions que les gens conservent ces liens dans leur monde réel.
Cet écran frontal aurait pris des années de développement. Malheureusement pour Apple, les premiers retours sont mitigés : les testeurs se sont majoritairement dits déçus de cette fonction, qui repose sur un écran souvent jugé trop peu lumineux et ne permettant pas de reproduire un réel contact.
Richard Howarth estime qu’un tel produit n’aurait pas pu être construit ailleurs que chez Apple. Il insiste sur le fonctionnement interne de l’entreprise, où la partie matérielle est développée en même temps que le logiciel. « L’expérience n'est pas conçue avant d’être ensuite rendue possible par la création du matériel. Tout se passe en symbiose », affirme-t-il. Il explique que les deux équipes font le point sur l’objectif avant d'avancer en simultané, sans qu’un groupe ne distance l’autre.
Si l’Apple Watch Series 9 et l’Apple Watch Ultra 2 sont « les premiers produits neutres en carbone » de la firme de Cupertino, quoi que cela veuille dire, le Vision Pro est loin de l’être. Bien que les fibres de son emballage et l’aluminium de sa monture soient entièrement recyclés, le casque d’Apple utilise beaucoup de matériaux vierges. Sa production représente ainsi 62 % des émissions sur l’ensemble de son cycle de vie, estimée à 335 kg de CO₂eq, moins que le Mac Pro (1 647 kg) mais plus que le Mac Studio (290 kg).
Plus les appareils sont puissants et durables, plus la balance des émissions de gaz à effet de serre pèse du côté de l’utilisateur. Alors que 83 % des émissions sont générées par l’iPhone avant même qu’il ne quitte l’usine, près de 60 % de celles du Mac Pro seront réalisées au fil de son utilisation. Le Vision Pro tombe quelque part entre les deux, à l’instar d’un iPad, puisque son utilisation ne représentera que 32 % de ses conséquences environnementales.
Une fois n’est pas coutume, Apple complique la lecture de son « rapport environnemental » en alignant les chiffres qui masquent la réalité. Comme bien d’autres produits, le Vision Pro bénéficie d’une chaine d’approvisionnement qui n’utilise plus que de l’étain, de l’or et des terres « rares » entièrement recyclées. Les tissus drapant les masques et les harnais comprennent jusqu’à 80 % de matériaux recyclés, mais les plastiques composant une vingtaine de pièces contiennent jusqu’à 70 % de matériaux vierges.
Apple assure utiliser « de l’aluminium recyclé à 100 % dans la monture et le boitier de la batterie », mais cela ne dit rien de la provenance du magnésium largement employé pour alléger le casque. Ou plutôt, cela dit tout par omission. Une fois que l’on prend en compte les accessoires fournis avec le casque, seuls 14 % des matériaux sont recyclés ou recyclables. Assemblée au micromètre avec des dizaines de vis et de connecteurs, cette merveille d’ingénierie sera un cauchemar à recycler.
Pourquoi le Vision Pro coûte-t-il 3 499 $ ? iFixit donne une partie de la réponse avec le début de son démontage. « Il y a tellement de technologies mécaniques et optiques fascinantes intégrées [dans ce produit] », commentent les spécialistes de la réparation. On n’en doutait pas vraiment, mais on en a la confirmation avec cette auscultation minutieuse.
Mais autant le dire tout de suite, cette intégration extrêmement poussée se fait au détriment de la réparabilité. Tous les composants sont étroitement réunis avec une tonne de colle et de vis. Même si iFixit garde sa fameuse note pour un prochain article, il est d’ores et déjà évident qu’il est pratiquement impossible de retaper soi-même son casque en cas de défaillance technique. Il n’y a qu’à voir le prix de la « réparation » en Apple Store (hors bris de glace), 2 399 $, pour comprendre que les Genius remplaceront sans doute purement et simplement l’unité centrale.
Une ouverture compliquée
Pour ouvrir le Vision Pro, iFixit a dû décoller le panneau en verre à l’avant, une opération qui a demandé beaucoup de chaleur (pour ramollir la colle) et de temps, mais qui s’est faite sans casse… Ou presque. Le verre a un film protecteur en plastique qui s’est légèrement décollé, et qui a peut-être même fondu, durant la manœuvre. Comme pour l’écran de l’iPhone, la réparation du panneau en verre (qui pèse 34 g) du Vision Pro a un tarif dédié en Apple Store : 799 $, contre 2 399 $, donc, pour tout autre type de dommage.
Les deux branches du Vision Pro qui comprennent les haut-parleurs sont connectées à l’unité centrale grâce à de gros connecteurs qui ressemblent à du Lightning. Les branches se retirent en insérant un trombone dans de petits trous à l’intérieur du casque. Autrement dit, ces parties sont facilement remplaçables, ce qui est toujours le bienvenu en cas de panne. D’ailleurs, Apple commercialise, pour les développeurs uniquement, une branche spéciale qui comprend un port USB-C afin de relier le Vision Pro directement à un Mac.
En démontant la partie noire qui entoure les lentilles, iFixit a découvert dans son dos une fine feuille de plastique extensible. Ce plastique sert peut-être à compenser les espaces dans la maille ou à empêcher les particules de pénétrer à l’intérieur de l’unité centrale.
Un écran EyeSight extravagant
La fonctionnalité à la fois la plus originale et la plus décriée du Vision Pro, c’est EyeSight, l’écran externe qui donne à voir une représentation des yeux du porteur. D’après les premiers tests, on voit en fait assez mal les yeux de l’utilisateur. Le démontage d’iFixit révèle toute la complexité de cette fonction.
L’écran externe ne diffuse pas un flux vidéo des yeux (des capteurs à l’intérieur du casque permettent de suivre leurs mouvements), mais plusieurs. L’afficheur externe est composé lui-même de trois couches : l’écran OLED à proprement parler, une couche lenticulaire et une couche agrandissante.
Pour donner une impression de 3D, l’écran EyeSight utilise la technique de la stéréoscopie : visionOS génère plusieurs rendus des yeux (rendus « A » et rendus « B »), les découpe en tranches, puis affiche le rendu A depuis un certain angle pour l’œil gauche, et le rendu B depuis un autre angle pour l’œil droit. La personne qui regarde l’écran EyeSight voit ainsi une reconstruction en 3D des yeux de l’utilisateur du Vision Pro.
Comme le note iFixit, cette technique entraîne des compromis. En particulier, la définition du rendu final s’en retrouve considérablement réduite : si deux images sont affichées sur un écran de 2 000 pixels de large, par exemple, chaque image ne dispose que de 1 000 pixels horizontaux (la définition de l’écran EyeSight et le nombre d’images entrelacées ne sont pas connus). C’est ce qui explique pourquoi l’écran EyeSight parait flou. Qui plus est, la couche lenticulaire limite l’angle de vision et assombrit l’image.
Au vu de tout le matériel nécessaire et du scepticisme général autour de l’EyeSight, on ne peut pas s’empêcher de penser que retirer cette fonction serait un bon moyen pour faire une version plus abordable du Vision Pro. D’ailleurs, Apple aurait ce projet en tête :
La batterie du Vision Pro n’a pas fini de révéler tous ses secrets. En plus d’embarquer un gros câble Lightning, celle-ci dispose d’un indicateur lumineux permettant de connaître son état de charge. Situé à côté du port USB-C, celui-ci s’allume lorsque la batterie est branchée, lorsqu’on la débranche, quand on la tapote doucement ou bien lorsqu’elle est déplacée.
La petite diode repose sur un code couleur assez simple : elle s’illumine en vert si la batterie est au-dessus des 50 %, en orange si elle est entre 1 % et 49 %, et clignote si la batterie n’a pas assez de jus pour faire démarrer le casque. La laisser branchée une dizaine de minutes devrait permettre de réutiliser le Vision Pro.
Le même code couleur s’applique lorsque la batterie est en charge, avec du vert quand elle est pleine, de l’orange si elle est sous les 100 %, et clignote si la charge est insuffisante. Il est possible de vérifier l’autonomie restante dans visionOS en jetant un coup d’oeil au centre de contrôle.
Apple donne également quelques petites astuces concernant la batterie, et recommande par exemple de la placer dans une poche et d’y faire attention : « ne vous asseyez pas avec la batterie dans votre poche arrière, ne retirez pas la batterie de votre bureau lorsque vous vous levez, et ne la laissez pas tomber entre les sièges dans un avion ». Rappelons que le Vision Pro peut rester sous tension 24 h lorsqu’il est relié à la batterie sans être utilisé, cela afin de synchroniser différents contenus (mails, photos)…
Le branchement de la batterie a été illustré dans une vidéo de l’assistance Apple. Avant d’utiliser le casque, il faut insérer le connecteur propriétaire dans la sangle audio gauche avant de le tourner d’un quart de tour. Une petite diode s’allume alors, et le casque est prêt à fonctionner après environ une minute.
À la maison, dans la rue, dans le métro ou… en voiture. Les premiers clients du Vision Pro emportent leur casque loin du canapé. L'utilisation en extérieur (comme montré par Casey Neistat) n'est pas celle que l'on imagine en premier — ne serait-ce que pour l'allure — mais c'est peut-être le meilleur endroit pour voir « L'informatique spatiale » d'Apple en action. Tout comme ces vidéos où les utilisateurs épinglent des fenêtres partout dans leur appartement. Certaines scènes de films de SF n'ont jamais paru aussi contemporaines…
Netflix, YouTube, Spotify… Autant d’applications qui brillent par leur absence sur le Vision Pro lors de son lancement. Les premiers clients doivent-ils se contenter de simples applications iPad flottant dans leur environnement réel ? Non. Même si de gros poissons boudent la nouvelle plateforme d’Apple, d’autres développeurs s’activent depuis des mois pour faire partie de la première vague. Quelles sont leurs motivations ? En ont-ils bavé pour créer leur première app visionOS ? Tour d’horizon avec une demi-douzaine de développeurs.
Les motivations des pionniers
« PCalc est déjà disponible sur Mac, iPhone, iPad, Apple TV et Apple Watch, donc je me sens presque obligé de la porter sur Vision Pro dès le premier jour, pour perpétuer la tradition », nous répond un James Thomson amusé quand on l’interroge sur ce qui l’a poussé à adapter sa calculatrice scientifique pour visionOS.
L’émergence de cette nouvelle plateforme revêt aussi un caractère très spécial pour les débutants. « C’est le premier grand lancement auquel j’assiste depuis que je suis développeur, donc je suis très content de faire partie des premiers à bord », nous explique Devin Davies, le créateur du livre de recettes Crouton.
Cette envie de participer à un lancement important, voire historique, est partagée par tous les développeurs que nous avons interrogés. « Quand Tim Cook a présenté le Vision Pro, il était 2 heures du matin en Chine, mais je ne pouvais pas manquer cette annonce en direct, raconte Cosmo, le créateur de la toute nouvelle app de météo Seasons. J’ai immédiatement pensé que le Vision Pro allait être l’équivalent de l’iPhone en 2007, qu’une nouvelle ère allait s’ouvrir. »
Andriy Kachalo, qui a adapté son agenda étudiant Subjects à visionOS, voit les choses de la même manière. Avec le recul du développeur aguerri, il constate que l’iPhone, l’iPad et l’Apple Watch ont défini ou influencé la décennie qui les a suivis. Selon lui, l’histoire est en train de se répéter avec le Vision Pro.
Mais est-ce vraiment important de faire partie de la première vague d’applications optimisées pour le Vision Pro, sachant que le nombre d’utilisateurs sera forcément très limité au départ ? Netflix emploie d’ailleurs cet argument pour justifier son absence sous forme d'app sur la nouvelle plateforme (le service sera néanmoins accessible à travers le navigateur).
James Thomson ne compte pas réellement sur la version visionOS de PCalc pour faire bondir ses revenus du jour au lendemain, car il a fait le choix de l’inclure sans surcoût dans son app iOS. Mais il espère que ce travail sera remarqué et promu par Apple ainsi que la presse — mission accomplie avec cet article —, donnant ainsi une nouvelle visibilité à son application.
Outre cette visibilité cruciale pour les petits studios, Cosmo et Andriy Kachalo cherchent à s’attirer les faveurs des early adopters, un public pas comme les autres. « Ces utilisateurs de la première heure sont des passionnés par nature qui aiment essayer de nouvelles choses, donnent souvent des avis précieux et restent fidèles à leurs marques préférées, analyse le créateur de Subjects. Avoir ces personnes à nos côtés compte donc beaucoup pour nous. »